Custody : ce mot anglais à racine latine (comme tant d’autres) renvoie dans le domaine des archives à la conservation matérielle, la garde physique des documents, la responsabilité de leur protection. La mise en sécurité des documents d’archives est un aspect majeur du rôle de l’archiviste depuis l’Antiquité ; c’est ainsi que l’on parlait jadis, au plus haut niveau de l’État, de garde des Archives comme on parle encore aujourd’hui de garde des Sceaux.
Mais la révolution numérique est là et impose une nouvelle vision des réalités archivistiques.
Les Anglo-Saxons (Américains, Australiens…) ont débattu depuis plus de vingt ans de cette question, formalisant progressivement une doctrine autour d’une non custodial ou post custodial approach du métier, opposée à une custodial approach, (voir par exemple l’article de Upward & McKemmish et l’excellente étude des archivistes suisses publiée en 2000 que tous les étudiants en archivistique et en archivage devraient avoir lu).
Donc, dans l’environnement analogique traditionnel, où le contenu est indissociable du support, l’archiviste (mais aussi le bibliothécaire et le documentaliste) exerce ses compétences sur les documents qu’il détient. Autrement dit, la collecte (l’acquisition) précède ou initie son intervention professionnelle. La tâche d’analyse et de description des objets documentaires va de pair avec la conservation matérielle des supports, laquelle nécessite principalement des moyens logistiques (espaces de stockage, manutention, conditionnement, mobilier spécifique selon les dimensions ou le matériau) et ponctuellement le recours à des techniques et des techniciens spécialisés (désinfection, restauration). La garde physique des archives par l’archiviste est à la fois inévitable et réalisable.
Les technologies numériques permettent, favorisent et appellent deux évolutions majeures :
- la maintenance du support numérique (incluant la maîtrise du format) devient une tâche complexe qui nécessite des compétences techniques trop poussées pour être exercées directement par le gestionnaire de l’information ;
- les éléments d’identification et de description des documents à archiver préexistent dans les applications qui produisent les documents, avec l’instabilité propre au numérique ; l’archiviste doit intervenir très en amont, pour piloter la naissance et organiser la vie des objets archivables, sans devoir pour autant les prendre en nourrice ou en pension.
De sorte que, comme le résume l’étude suisse, avec « la démarche « non-custodial » décentralisée, les archivistes assument de nouvelles tâches fondamentales, et de gardiens du document d’archives, ils deviennent les contrôleurs de gestion d’archives ».
La post custodial approach est donc une nouvelle vision du métier d’archiviste qu’on pourrait qualifier de « post-gardiste », avec une traduction littérale bien peu compréhensible ici, mais qui est surtout « avant-gardiste ».