C’est un mot particulièrement à la mode dans le monde du tout numérique.
Mais ce n’est pas un mot nouveau. Il renvoie au fait qu’à l’instant T+1, un objet (un produit périssable, un bien d’équipement, un document original) est le même qu’à l’instant T, autrement dit qu’il n’a pas été modifié (ajout, suppression ou modification) pendant ce laps de temps 1, ni par une action humaine ni par les effets naturels du temps qui passe, en tout cas qu’il n’a pas été déformé au point d’empêcher son utilisation ou de tromper l’utilisateur sur son essence même.
Par exemple, un fromage est intègre quand une souris vient se nicher dans une anfractuosité créée par le processus de fabrication ; il ne l’est pas si la souris a grignoté la pâte pour faire le trou. Et la souris, même maligne, ne laisse pas les mêmes traces que les bulles de gaz issues de la fermentation. L’altération du fromage peut être détectée (apparences, poids, odeur) ; elle peut et doit surtout être évitée (équipement du local de conservation, pièges anti-rongeurs, vérification régulière).
Autre exemple, un livre de comptes simplement jauni par quelques décennies de grenier, ou maculé de café, a subi une altération de ses composants physiques mais est considéré comme intègre si son contenu est lisible ; il ne l’est plus si une page, de toute évidence non vierge, a été arrachée ou si une inscription ultérieure non explicitée en a modifié le contenu original.
L’intégrité est une qualité, une caractéristique du document, à la fois objective (son physique) et subjective (son exploitabilité). L’intégrité ne va pas de soi : elle exige une prévention et une surveillance : un support sain dans un local sain (medium sanum in loco sano) et un contrôle des événements (facta sunt registranda). Les règles de sécurité sont capitales : on a plus de chance de se faire cambrioler si on part en vacances en laissant les portes et fenêtres de la maison grand ‘ouvertes, et le cambriolage, s’il doit y en avoir un, échouera plus facilement si la maison est équipée d’un dispositif de sécurité et en même temps visitée régulièrement par un voisin ou une société de service.
Pour les documents numériques, c’est pareil, juste un peu plus complexe car le numérique est agile (comme la souris) et joue avec les données. L’intégrité tient d’une part au fait que les données (celles qui portent le message) ne sont pas modifiées depuis le moment où le document a été produit, d’autre part au fait que l’on maîtrise le contenant, le format et le support de stockage. C’est là tout l’enjeu de l’archivage : traçabilité de la non-modification du contenu, traçabilité de la modification du support.
Bravo. Intéressant, synthétique, une vraie « brève » non de comptoir mais d’ouvroir. Ce blog ne pourrait-il pas servir de voie à celui auquel on pense ou au Wiki d’OuDiPo ?
En tout cas, ça pourrait être bien d’en faire un lieu de sédimentation de notre intégrité collective.
JJ
Bon sujet de réflexion et d’approfondissement en ce début d’été.
Votre billet donne envie d’aller plus loin dans l’exploration de cette notion clé de l’archivage.
A bientôt!
Bravo pour le blog et merci de remetttre « l’église au milieu du village » par votre expérience et votre pragmatisme.
Bon vent à Impressions | Expressions