À qui se fier ? Voilà la question du siècle !
Aux étiquettes sur les boîtes de conserve ? Au journal gratuit dans le métro ? À la météo ? Au Journal officiel ? À sa concierge ? Au commercial en costume-cravate ? À Cassandre ? Au dernier qui a parlé ? À la vidéo plébiscitée sur Youtube ? Au Petit Larousse ? À la télévision publique ? À la télévision privée ? À twitter ? À Wikipédia ?…
La norme internationale ISO 15489 sur le « records management » place la fiabilité, juste après l’authenticité et avant l’intégrité et l’exploitabilité, dans la liste des quatre caractéristiques du document d’archives, avec la définition suivante : « Un document fiable est un document dont le contenu peut être considéré comme la représentation complète et exacte des opérations, des activités ou des faits qu’elles attestent, et sur lequel on peut s’appuyer lors d’opérations, d’activités ou de faits ultérieurs. »
Ce qu’on demande à un document, c’est de pouvoir se fier à l’information qu’il porte, de pouvoir s’appuyer sur son contenu, de pouvoir transformer les faits décrits en une connaissance solide, aussi solide que la première brique du mur que l’on veut construire. C’est pouvoir se dire qu’on peut avancer sans danger de se tromper de route, de se retrouver dans des sables mouvants ou de se faire mordre par un serpent.
La fiabilité ne se prouve pas comme l’authenticité. Elle s’apprécie. Les éléments intrinsèques au document sont le plus souvent insuffisants ; c’est la confrontation à l’environnement documentaire, à des indices extérieurs, qui permet cette appréciation. Le petit bonhomme vert vous signale que vous pouvez traverser la rue mais n’empêche pas un éventuel chauffard d’ignorer le feu rouge correspondant et de vous écraser en toute légalité.
Madame X a rédigé un testament par lequel elle lègue son tableau de Gauguin à son petit-fils. Le testament est manuscrit, daté, signé ; nul ne conteste son authenticité. Cependant, est-il fiable ? Peut-être que le tableau ne lui appartient pas, ou qu’il est faux. Peut-être que Madame X a rédigé depuis un autre testament qui annule le premier avec d’autres dispositions…
Maurice Jarre est décédé le 29 mars 2009. Le lendemain, les journalistes, parmi d’autres curieux, trouvent dans l’article de Wikipédia (en) consacré au musicien une citation bien opportune où l’artiste expose « La musique était toute ma vie, etc. ». Plusieurs journaux anglais s’empressent de citer la citation… qui s’avère être un canular lancé par un étudiant irlandais, Shane Fitzgerald, dans le dessein de tester les réactions des journaux face à une information gratuite car non sourcée. Et ça marche !
Cette anecdote relate une expérience originale (la supercherie de la « fausse nécrologie » à des fins expérimentales est datée) visant sincèrement (l’étudiant n’a pas chercher à tromper) à démontrer le caractère non fiable (la citation ne correspond pas à la réalité) d’un texte constitué d’une suite de phrases ou d’illustrations rédigées ou retranscrites par X personnes plus ou moins identifiables au travers de leur pseudo, exprimant une vision souvent partielle voire partiale, dans un ordre à peu près tracé dans l’historique de l’article, assemblage dont on ne peut valablement évaluer l’authenticité.
C’est bien la fiabilité qui est en cause dans cette histoire. La faille est d’une part dans l’absence de sources vérifiables incluses dans l’énoncé de la citation, d’autre part dans l’absence d’esprit critique de ceux qui sont censés informer la population mais qui ont recopié sans se poser de questions, aveuglés par l’appât du scoop.
À qui se fier ? À ce qui est authentique ? À ce qui est sincère ? À ce qui est original ? À votre instinct qui vous dit de ne pas prendre tout et n’importe quoi pour argent comptant peut-être…
Ce billet fait partie du quartet : authenticité – sincérité – originalité – fiabilité