Cette affaire Guttenberg a donné un coup de projecteur supplémentaire sur le phénomène du « copié-collé », pratique ancestrale à laquelle les technologies ont donné un formidable coup de pouce : il est aujourd’hui facile de repérer un texte sur Internet, extrêmement facile de reproduire un paragraphe au format Word, HTML, XML et même PDF, et relativement facile de détecter des phrases identiques dans deux fichiers numériques distincts. Ah ! On est loin de La Fontaine et de son Ésope d’inspirateur !
Il faut citer ses sources. Qui oserait aujourd’hui prétendre le contraire ?
Chaque auteur peut prétendre au respect de ses idées et se doit de respecter celles des autres, a fortiori dans l’enceinte de l’université où l’on est censé acquérir la maîtrise des idées et de l’expression. La citation des sources s’opère facilement au moyen de conventions typographiques et de mise en page plus ou moins universelles. La reproduction de l’œuvre d’autrui sans référence, laissant croire au lecteur que l’auteur prétendu est l’auteur réel et que l’œuvre proposée est originale et authentique, peut être qualifié de plagiat.Cette règle sacro-sainte est régulièrement bafouée par des ignorants, des indélicats voire des faussaires, ce qu’illustre très bien le blog http://archeologie-copier-coller.com/.
Mais il faut noter aussi que l’esprit de la règle est parfois perverti, quand la citation cesse d’être l’outil d’une démonstration pour devenir une fin en soi.
De nos jours, un exposé brillant sans citations est forcément suspect, alors qu’un mémoire farci de citations rassure, même si elles ne sont rien de plus que des phrases juxtaposées, étrangères à tout raisonnement sur le fond du sujet censément traité.
Le système universitaire fait plus que défendre la citation ; il l’encourage, de manière un tantinet vicieuse, puisqu’il en fait un indicateur de performance des universitaires, comme si les guillemets avaient le pouvoir de remplacer les idées, comme si l’objectif n’était plus d’éprouver les connaissances d’un étudiant et sa capacité à réfléchir mais d’évaluer son habileté à faire de belles et multiples citations…
Au bout du compte, personne, ou presque, ne s’insurge plus devant une citation creuse. Qui s’émeut encore quand, en entendant la Chevauchée des Walkyries, quelqu’un cite le film Apocalypse Now, au lieu de citer la source originale de la bande originale, à savoir l’opéra de Richard Wagner ?
Finalement, ne faudrait-il pas désormais se contraindre à citer Ésope quand on cite La Fontaine ?…
Le comble dans le genre est, pour le membre d’un jury, de trouver dans le mémoire à évaluer des citations non sourcées de ses propres écrits ! Expérience vécue, amusante au demeurant, suscitant diverses réactions : « Pas mal cette phrase, bon travail ! », puis : « Bizarre, j’ai l’impression d’avoir vu ça quelque part… Bah ! Ce n’est peut-être qu’une manifestation de l’intertextualité, preuve que l’étudiant s’est bien imprégné de ses lectures » et enfin : « Tout de même, voyons voir ce qu’en dit l’ami Google… Ah oui, c’est de moi, j’avais oublié… ».
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas badiner avec les sources !
Ou plutôt :
Quoi qu’il en soit [Platon], il ne faut pas [Victor Hugo, passim] badiner [Alfred de Musset] avec les sources [Isabelle Aubret] !
Suite et fin lundi prochain
Bonjour,
Votre billet m’évoque la préface de Don Quichotte. dans laquelle Miguel de Cervantes justifiait pourquoi il n’avait pas souhaité mettre de notes ou de citations dans son ouvrage.
Bien à vous.
Aude Nguyen.
J’aime beaucoup la chute et son patchwork de citations finissant sur Isabelle Aubret !