Le mot publicité a évolué dans un sens qui reflète une certaine évolution de la société, celle d’un droit offert à la collectivité vers un droit imposé à l’individu…
La publicité, c’est initialement le fait de porter à la connaissance du public (la population) une décision, un fait concernant certains membres de la collectivité qui peut avoir des conséquences sur d’autres membres de cette même collectivité. C’est le sens de la publicité foncière (chacun a le droit de savoir à qui appartient légalement telle propriété) et de la publicité dans le domaine de l’état civil (la publication des bans de mariage permet à un tiers de s’opposer pour un motif prévu dans la loi).
La publicité se fait par un écrit mis à disposition dans un espace public dédié, bien délimité, comme un panneau d’affichage ou un service administratif ; ceux qui veulent peuvent aller lire. De même, la publicité des audiences d’une institution correspond à la possibilité des individus de se déplacer dans un lieu précis pour voir et entendre ce qui s’y passe. C’est également le cas avec la procédure dématérialisée de passation des marchés publics, l’avis de publicité d’appel à la concurrence étant déposé dans un lieu public, en l’occurrence sur une plate-forme d’achat public.
La publicité est passée du registre administratif au registre économique il y a déjà un siècle et demi : son objet n’est plus un fait ou une décision mais un produit que l’on fait connaître par moyen d’annonce à un éventuel acheteur. Les lois du commerce étant différentes, cela s’accompagne bien évidemment d’une multiplication et une diversification des lieux : tous les supports de communication sont utilisés : murs, placards (pas encore ceux de la cuisine mais ça va venir), presse, radio, télé, taxis (les taxis londoniens sont beaucoup plus gais que les taxis français, mais là encore, ça vient doucement) et bus, sites web, et messagerie électronique. Par exemple, cette ancienne publicité d’une société (russe) de service en mailing commercial :
que j’ai reçue en 2006 et archivée dans ma collection privée de spams originaux (à noter qu’en russe, publicité se dit « réclame » comme on disait naguère en France, terme repris sans doute de la réclame des imprimeurs d’autrefois, mot désignant les signes en bas d’un cahier appelant le cahier suivant).
Donc, comme il y a de plus en plus de produits à vendre et du plus en plus de support de communication (merci le numérique), il y a plus en plus de pubs. Les enfants sont ravis, l’art s’en mêle, la culture aussi, sans parler des archives. La publicité fait partie de la vie. C’est très bien.
La question qui se pose aujourd’hui à propos de la publicité est : vie publique ou vie privée ?
Il semble que la publicité aussi ait comme slogan : « toujours plus ! ». Au point de glisser peu à peu des lieux publics à la sphère privée. La publicité devient intrusive. La publicité (action de faire connaitre au public) glisse vers la « privicité » (action de faire connaitre aux personnes privées). C’est un progrès notable : vous n’avez plus besoin de vous déplacer, de faire un geste vers l’annonce, d’aller chercher l’information ; elle vient à vous, vous n’avez rien à faire, pas même à donner votre avis. Les pubs qui vous sautent à la figure, chez vous, à toute heure du jour, ne correspondent pas à votre besoin ? Pas de problème : vous avez le droit de les ignorer, vous avez le droit de jeter les prospectus qui encombrent votre boîte aux lettres, vous avez le droit de vous inscrire sur la liste rouge, vous avez le droit de fermer les yeux et les oreilles pendant les dix secondes de pub indigeste qui ouvrent la vidéo que vous voulez regarder, vous avez le droit de pester en essayant d’ignorer les pubs « personnalisées » qui clignotent sur l’écran dès que vous vous connectez à Internet, etc. C’est VOTRE DROIT ! C’est votre nouveau droit ! Une vraie conquête sociale, non ?
Tout de même, les pouvoirs publics seraient bien inspirés de subventionner l’installation de vomitopuborium (vomitopuboria au pluriel) dans les appartements pour que les pubobèses puissent se soulager un peu…