Je fais comme si je ne savais pas ce que c’est que la traçabilité et je regarde sur Wikipédia. Et comme c’est un sujet universel, je regarde dans plusieurs langues. Expérience intéressante.
La définition anglaise (honneur à la langue dominante ;-)) de traceability insiste sur la complétude de l’information tout au long du processus (completeness of the information about every step) et sur la chronologie des traces (to chronologically interrelate) ; la définition française est sans surprise plus abstraite (« la traçabilité désigne la situation où l’on dispose de l’information nécessaire et suffisante pour connaitre – éventuellement de façon rétrospective – la composition d’un matériau ou d’un produit tout au long de sa chaîne de production et de distribution ») ; le Wikipédia espagnol (trazabilidad) cite l’ISO sur la métrologie et l’Asociación Española de Codificiación Comercial (AECOC) qui évoque notamment la localisation et le cheminement d’un produit (ubicación y la trayectoria de un producto) ; le terme allemand, Rückführbarkeit, souligne dans son étymologie le retour en arrière, la possibilité de revenir sur ce qui s’est passé, de repasser le film à l’envers.
Pas d’article « traçabilité » sur Wikipédia chinois… À noter également que les dictionnaires de traduction en ligne ne connaissent quasiment pas le mot. Même le précieux Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) l’ignore !
Il est vrai que traçabilité est mot récent. Un document du COLEACP (Comité de Liaison Europe-Afrique- Caraïbes-Pacifique) indique : « Née dans le milieu des années 80, la traçabilité répondait alors à un simple souci logistique : elle garantissait un contrôle des flux de marchandises au sein d’une chaîne de partenaires, permettant de sérieuses économies. ». Pour Philippe Vellemans, dans sa thèse de doctorat en génie informatique, automatique et traitement du signal (Reims, 2006), elle est apparue dans les années 90 et « depuis la crise de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB), le terme traçabilité a acquis ses lettres de noblesse médiatiques ».
Aucune de ces définitions n’évoque l’information numérique, les bases de données, la messagerie électronique, Internet, les réseaux sociaux, etc. Il y aurait pourtant de quoi car la traçabilité dans le domaine de l’information numérique joue un rôle majeur et croissant. Surtout, le numérique a élargi le champ de compétence de la traçabilité, du produit à l’événement, à la personne humaine, à tout… Les traces numériques sont partout !
Le numérique permet de créer ou laisser des traces, volontairement ou involontairement, consciemment ou non, de manière défensive ou offensive : caméras de surveillance, signature électronique, horodatages et géolocalisations divers, connexions en tous genres, sur Fessebouc, au bureau, dans la rue…
Les technologies numériques permettent d’interpréter les traces plus finement, plus vite : traces ADN, bracelet électronique, modifications dans un fichier numérique, texte ou image, etc.
Le numérique impose à l’homme de nouvelles responsabilités : celle de produire des traces et celle de ne pas en produire, à bon escient. La traçabilité, en tant que possibilité de tracer (pour soi et pour les autres) appelle à une attitude responsable. Car la traçabilité, c’est comme le cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise. Alors, il faut rechercher la bonne et se prémunir contre la mauvaise, de même que l’on met des lunettes pour se protéger d’un soleil excessif, de même que l’on met des bottes pour se protéger de la boue (sauf les jours où on se soigne aux bains de boue, ça va de soi).
Bonjour,
J’ai bien aimé votre article que j’ai lu dans la lettre du ClusterWest. Effectivement aujourd’hui il y a des traces d’information partout. Relier ces traces pour faire de la traçabilité est souvent un défi. La principale difficulté pour lier ces traces est que les systèmes d’information des entreprises sont fermés pour des raisons de sécurité, de confidentialité et de concurrence .
Dans mes activités professionnelles, je travaille sur ce sujet. Nous avons mis au point une plateforme capable de faire sauter les points de blocages dans l’enchainement des informations sur toute une filière. Sans modifier les systèmes d’information existants, nous récoltons tout au long de la chaine les informations nécessaires de façon sécurisée, puis nous pouvons les exploiter, toujours de façon sécurisée et les mettre à disposition des acteurs de la chaîne.
Ce système a fait ces preuves en Hollande depuis presque 10 ans. Je travaille aujourd’hui à le développer en France, le plus grand marché agroalimentaire d’Europe.
Cordialement
Patrick
Bonjour,
Merci de votre témoignage. Le parallèle entre la traçabilité agro-alimentaire et la traçabilité des actes écrits pourrait être poussé plus avant pour pointer plus précisément les points communs mais aussi les différences. Je suis d’accord avec vous pour dire que le fait que les systèmes d’information des entreprises soient fermés est une difficulté, mais quand ils sont trop ouverts, c’est une autre difficulté. Et puis, s’il convient de tracer beaucoup de choses, tout n’a pas vocation à être tracé. C’est une question de dosage, d’équilibre.
Bonne continuation pour votre projet.