Auteur invité cette semaine: Daniel Ducharme
Selon Le Petit Robert (1987), illico est une forme familière de sur-le-champ, donc aussitôt, immédiatement. Contrairement à la plupart des mots de la langue française que j’ai appris au cours de ma vie, ce mot a une certaine résonance à mes oreilles, sans doute parce que je suis en mesure de dater son emploi. En effet, quand j’étais étudiant au collège, une amie de Repentigny – une ville de banlieue à l’est de l’île de Montréal – m’a fait connaître San-Antonio, pseudonyme de Frédéric Dard, auteur prolifique de romans policiers qui se distinguait par l’utilisation massive de l’argot français dans ses romans. Il y a bien longtemps que je ne lis plus cet auteur qui ne représente plus d’intérêt pour moi, mais l’emploi du mot illico est resté, de toute évidence, puisque je l’ai utilisé récemment dans un échange de courriels avec Marie-Anne Chabin. Pour un Français, il s’agit sans doute d’une faute puisque l’emploi de mots familiers dans une correspondance n’est pas de mise. Pour un Québécois, illico n’est pas un mot d’usage courant, de sorte qu’il n’est probablement pas associé à un usage familier de la langue française dans la perception collective que le Canada français a de ce mot.
Mais quand on se situe ce mot dans le champ immense de la société de l’information, illico redevient un mot beaucoup plus pertinent, un mot qui nous rappelle d’emblée l’immédiateté, l’instantanéité, deux mots qui s’accolent parfaitement bien aux technologies de l’information et des communications, les TIC pour les intimes. En effet, quel est l’intérêt de se procurer la tablette Google Nexus 7 si ce n’est qu’elle dispose d’un processeur plus rapide que les processeurs antérieurs et qui, par le fait même, nous permet d’accéder illico aux applications recherchées? Tout monde aujourd’hui souhaite accéder illico aux données de sa machine au point qu’une attente de vingt secondes devient carrément inacceptable. Aussi mon fils traite-t-il d’usine à gaz mon ordinateur parce qu’il met quelques secondes de plus que le sien pour « faire sortir » une définition de Wikipédia. Les TIC ont permis à la génération du « tout maintenant » d’éclore dans un monde à l’environnement de plus en plus fragilisé. Et voilà qu’illico devient pratiquement le symbole d’une société qui ne sait plus prendre son temps, une société axée sur la performance, ce qui doit réjouir, dans leurs tombes, les patrons de l’ère industrielle chez lesquels le mot illico était monnaie courante quand ils s’adressaient à leurs ouvriers.
Mac in petto
Le témoignage de Daniel Ducharme met en évidence le pouvoir évocateur de certains mots pour chacun d’entre nous, et c’est une grande part de leur charme.
Illico présente en outre la coquetterie d’être à la fois du latin (initialement in-loco, dans la place) et de l’argot. Au passage, avec le choix de mots en –o pour cette année de billets, le latin sera à l’honneur ; mais l’argot aura également sa place.
Illico évoque d’abord la notion de rapidité, caractéristique de notre époque comme le souligne Daniel Ducharme. Ces trois syllabes, plus allègres et attractives que « sur le champ » ou « tout de suite » (diphtongues peu vendeuses), sont accommodées à toutes les sauces et ont leur petit succès commercial, par exemple : Illico Pizza (décidément, après Domino’s pizza la semaine dernière…) qui veut suggérer que le client est servi très vite.
Mais il faut rappeler qu’illico n’est pas un pur synonyme de rapidement, vite ou encore fissa (le fissa des… Pizzas Fissa… non, merci, sincèrement, je n’ai plus faim…). Cet adverbe insiste sur l’enchaînement de tâches qui ont une bonne raison d’être consécutives. L’origine du mot renvoi la pratique judiciaire d’interjeter l’appel sitôt après la sentence, c’est-à-dire dans le même lieu (in loco déformé en illico) en application de la procédure (voir le dictionnaire Littré).
Ainsi l’action opérée illico est liée à une autre qui la précède et qui exige d’intervenir rapidement. Exemple : j’ai renversé le bol de vinaigrette sur le tapis persan ; je dois illico nettoyer car si j’attends demain ou après-demain, primo : tout le monde pourra voir pendant ce délai la manifestation de ma maladresse, et deuxio : l’opération de nettoyage sera plus difficile demain, a fortiori après-demain, la graisse ayant poursuivi son imprégnation.
Autre exemple, plus percutant encore : j’ai reçu ou émis un courriel (mail) qui engage ma responsabilité ; je dois l’archiver illico, c’est-à-dire le mettre dans un système sécurisé qui garantira sa date et gérera sa fixité, en non attendre la semaine prochaine ou l’année prochaine pour l’archiver, en risquant qu’entre temps les données du message aient été modifiées (délibérément ou non) et que sa valeur de preuve ait été mise à mal. CQFD !
Melius fuisset si HOC LOCO statim, id est illico sermo Latinus vivus Europaeus usus esset…
Illico d’accord, mais pas sans son frère jumeau. En effet, trés souvent accolés, l’un ne va pas sans l’autre. Je veux parler de « presto ». Dans l’expression « illico presto » on conçoit aisément, maintenant et vite ! Ma non troppo …
D’accordo ! Oui, les deux font la paire (Dupont et Dupond). Maintenant et vite, c’est sûr. Aisément, on espère…