Bloqué quelque temps à Kargopol’ à cause du dégel en avril 1727, L. Delisle y remarque l’habillement des femmes et la coutume qui veut que les filles promises au mariage se promènent par les rues le visage voilé. À Kola, la mort du Russe dont il est l’hôte en janvier 1729 lui donne l’occasion d’assister, pour la première fois depuis son arrivée en Russie, à un enterrement dans le rite orthodoxe. Quelques jours plus tard, le commandant de la ville l’invite à la cérémonie de la bénédiction des eaux, suivie de l’immersion des malades. Sur une montagne près de Kola ont été trouvés, lui disent les habitants, des diamants d’une valeur de 40 000 roubles mais que le savant, sceptique, estime être des cristaux. Cette montagne est en outre connue pour abriter des brigands et cela, Delisle le croit volontiers, ayant eu lui-même affaire à des rôdeurs cette nuit-là.
Au cours de ses deux longs séjours à Kola en 1727 et 1729 et dans les environs, Louis Delisle a tout le temps d’approcher la population lapone. Les habitations des Lapons, remarque-t-il, sont des tentes couvertes d’une mousse blanche avec un trou pour la fumée. Leur nourriture est à base de poisson et d’écorce de sapin broyée et cuite dans la cendre. Leurs vêtements sont faits de peaux de rennes qu’ils utilisent aussi pour se déplacer. Ils n’ont en général que quelques ustensiles : cordages, haches, chaudrons. Quelques-uns, enrichis par la vente de pelleteries, de saumons ou de moules à perles, achètent aux Russes de Kola ou aux Danois du drap, de la farine ou un fusil.
Ce qui frappe surtout le savant, c’est la double, voire triple dépendance des villages lapons. En effet, il compte sept villages qui paient un tribut au roi de Suède, au roi de Danemark et au tsar de Russie ; sept autres en paient un à la Suède et à la Russie, et trois encore au Danemark et à la Russie. Delisle rapporte le chiffre fixe de trente roubles plus deux castors (« bobry ») pour le tribut annuel d’un village au tsar. Mais la redevance par tête s’alourdit avec les années en raison du dépeuplement. Une petite enquête démographique à laquelle s’est livré l’astronome indique en effet une baisse d’environ un quart de la population en quelques décennies. Les charges sont d’autant plus lourdes que : « « on m’a assuré au sujet des Lapons que les enfans mesmes paient la contribution comme leurs pères, quand ils ont six ans, et qu’à deux ans ils paient 40 altines, quoique ce soit sans ordre de Sa Majesté mais par les friponneries de ceux qui lèvent les contributions ».