Votre oncle (ou votre tante) – je m’adresse prioritairement à l’internaute qui m’a suggéré ce mot « déshérité » –qui vit à Pernarribo et dont vous êtes la nièce (le neveu) unique, décède célibataire, non pacsé et sans enfant. Ses millions vous reviennent donc mais finalement vous vous trouvez déshérité. Plusieurs explications possibles :
- votre parent vous a tout bonnement déshérité au profit d’un(e) petit(e) ami(e) dont vous ignoriez jusqu’à l’existence, ou au profit d’une ONG (là, ça passe un peu mieux, mais quand même…) ;
- votre parent a bien testé en votre faveur mais la récente révolution de Pernarribo a saisi tous ses biens et ne reconnaît pas les donations en faveur de l’étranger ;
- la fortune de l’oncle (la tante) était un leurre, du bluff ; en réalité, il (elle) était pauvre comme Job et vous êtes tout bonnement déshérité pour cause d’absence d’héritage !
Dans les deux premiers cas, quelqu’un s’est opposé à quelque chose que vous aviez a priori de bonnes raisons d’espérer ; dans le troisième cas, vous jouez de malchance. Dans tous les cas, on ne vous a rien enlevé dont vous auriez été auparavant pourvu ; on ne vous a pas dépossédé de quelque chose ; on vous simplement donné « rien ».
Autre hypothèse : l’héritage est si grevé de dettes qu’il vous coûte plus qu’il ne rapporte ; vous avez bel et bien hérité mais vous vous trouvez plus démuni qu’avant…, ce qui peut conduire à vous classer dans le camp des déshérités au sens large. Ou encore, le legs, constitué de livres précieux et d’œuvres d’art, a coulé au fond de l’océan avec le bateau qui vous l’apportait…
Est déshérité celui qui se trouve, par le fait d’une action humaine délibérée ou de ses effets collatéraux, parfois par le simple fait de la nature ou du hasard, privé d’un héritage, c’est-à-dire un bien détenu par les représentants de la génération précédente que la génération suivante estime devoir détenir à son tour ; ce bien peut lui-même avoir été reçu en héritage d’une génération ante-précédente ou constitué au cours d’une vie.
Ceci dit, il existe bien des types d’héritage :
- l’héritage familial : propriété, meubles, bijoux, souvenirs,
- les biens matériels créés par la collectivité : infrastructures, équipements, etc.
- l’héritage génétique, qui peut vous doter d’une gueule d’amour ou d’oreilles à feuilles de chou …
- les valeurs culturelles et humanistes des différentes civilisations,
- le cultural heritage de l’UNESCO, patrimoine culturel mondial en français, les trésors que l’humanité se devrait de léguer aux générations à venir, etc.
Il y a aussi l’héritage des métadonnées entre documents numériques, processus automatisé par lequel un document numérique « enfant » reçoit d’un ou plusieurs documents numériques « parents » certains attributs qui l’enrichissent et confortent son cycle de vie. Or, les systèmes d’information ne débordent-ils pas de fichiers numériques tout nus (voir le billet Nudité), privés des éléments de description et de contextualisation qui existaient pourtant et qui les auraient bien aidés dans leur vie d’archive, des fichiers laissés pour compte par ceux qui auraient dû les doter d’un minimum d’attributs et leur procurer un destin ?
Les humains ne sont donc pas les seuls à être déshérités. Piètre consolation…
En fait le dernier cas de figure, qui renvoie à la nudité, me paraît correspondre à une autre forme de l’héritage, celui de nu-propriétaire. Cas classique quand un des conjoints d’un couple décède et que le survivant (souvent âgé) garde la jouissance du bien mais que la propriété échoit à ses enfants. Ils ont alors le bien (qu’ils doivent en principe entretenir) mais n’en ont pas la jouissance.
Les documents sans métadonnées sont des avoirs informationnels réels, mais l’absence de métadonnées adéquates les rend la plupart du temps inutilisables (ou malaisément). Nous héritons donc ainsi de documents en nue-propriété.
Oui, je vous suis sur la comparaison, mais, contrairement au droit de la famille où la pratique est recommandable et où la valeur du bien n’est pas entamée, dans l’archivage, cela représente une moins-value fâcheuse: l’utilisateur du document mal archivé (mal documenté) en jouit tant que ça l’arrange grâce à sa mémoire vive de ce que ce document représente, mais quand il n’est plus là, le document, faute de métadonnées, le document est bien déprécié.