Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, dit le savant.
Toute chose est donc appelée à se métamorphoser un jour ou l’autre en une autre chose ou en une autre matière. Toute chose sera recyclée, passivement, y compris les canettes de Coca-Cola dans les refuges de l’Himalaya ou les sacs plastiques dans certaines ruelles de certaines villes. C’est une question de temps, le temps long de la nature.
Le recyclage est une activité humaine, qui s’inscrit dans un temps court, pour satisfaire à des critères humains : rationalité, économie, culture, par exemple, le pudding : on prend des restes de pain que l’on recycle en gâteau. C’est facile. Pour les métaux, évidemment, c’est plus compliqué.
La notion de recyclabilité, c’est-à-dire la capacité d’un produit à être reconvertir dans un autre, vient, comme la qualité, de l’industrie qui fixe des normes. Pour être recyclable, un produit doit pouvoir être réintroduit dans un processus de production mais aussi être associé à une filière de récupération qui lui assure un débouché commercial.
Selon le produit manufacturé considéré et la possibilité technique d’en extraire les composants (carton d’emballage du réfrigérateur ou réfrigérateur lui-même), la recyclabilité sera totale ou partielle. De même, pour être considéré comme « recyclé », un produit industriel doit contenir un certain pourcentage de matières qui ne provient pas de l’usage de matières premières mais de cette « matière première secondaire » que sont les déchets. Ce pourcentage varie selon les produits : au moins 50 % de fibres cellulosiques de récupération pour du papier recyclé, etc.
Le papier recyclé coûte volontiers plus cher que le papier non recyclé mais il faut participer à l’effort collectif pour la planète. Si donc vous avez un rapport à écrire, il vous est fortement recommandé de gaspiller cent pages de papier recyclé ou recyclable pour payer votre écot à la recyclabilité. Ceux qui se contentent, pour produire le même rapport, de consommer « seulement » 10 pages de papier non recyclé qui ne partira pas au recyclage, ne sont que des mauvais coucheurs !
Le papier n’est que le support de l’écrit. Quid du contenu ? Quid de la recyclabilité des « documents », constitués d’une information sur un support, selon la définition communément admise ?
Les « archives intermédiaires » (cette vilaine et viciée expression française…) donnent un exemple de la recyclabilité du produit « archive » au moment crucial de la fin d’usage. Les archives qui ne servent plus font l’objet d’un tri (on dit aujourd’hui « sélection ») : d’un côté, le support est recyclé en pâte à papier ou composants informatiques (avec l’information embarquée qui ne nuit pas au recyclage de la matière) ; de l’autre l’information historique (avec son support qui lui donne une existence matérielle) est recyclée en archive patrimoniale. La recyclabilité ici correspond à la possibilité technique (technicité archivistique et diplomatique) d’extraire de la matière première initiale (les documents tels qu’ils ont été produits) la matière première secondaire que sont les sources historiques. Les dossiers en vrac au fond d’une cave humide présentent une recyclabilité proche de zéro ; inversement des dossiers bien qualifiés en amont présentent un pourcentage de recyclabilité historique correct, mais les normes commencent seulement à aborder ce sujet…