En choisissant « diapositive » pour traduire l’anglais « slide » dans les didacticiels de son logiciel PowerPoint, le tout-puissant Microsoft a relégué au second plan le sens précédent de « diapo », à savoir un morceau de film, positif par opposition au négatif photographique, enserré dans un cadre de carton ou de plastique que l’on peut regarder à l’aide (dia : à travers) d’une visionneuse individuelle ou projeter sur un écran.
Les synonymes de diapo, outre « slaillede », sont principalement le transparent et l’acétate des Québécois, cette feuille d’acétate de cellulose diffusée sur l’écran grâce au rétroprojecteur, ancêtre du diaporama PowerPoint dans les années 1970-1980 et des bricoles, un cas (rare mais non unique) où le nom du support de l’ère pré-numérique se maintient dans l’univers des 0 et des 1. On parle aussi de planche mais, là, on peut voir une sorte de filiation : l’orateur monte sur l’estrade (sur les « planches ») pour présenter son diaporama…
Des diaporamas PowerPoint (ou l’équivalent OpenOffice), tout le monde en fait : formateurs, professeurs, élèves, chefs de projet, conférenciers, présidents, candidats, animateurs de fête de famille. Et tout le monde en bâcle : 30 lignes de texte en corps 12, illisibles même pour ceux du premier rang ; animations outrancières (dont le seul intérêt est d’indiquer le fait sans intérêt que le présentateur vient de découvrir le logiciel et s’est amusé) ; liste à puces de verbes éculés et désarticulés qui assoupissent l’auditoire.
On a beaucoup écrit sur le sujet depuis la déclaration fracassante du général américain James N. Mattis au Times en 2010 : « PowerPoint nous rend bêtes », affirmation qui a inspiré à Franck Frommer son essai La pensée PowerPoint : Enquête sur ce logiciel qui rend stupide, livre qui m’a déçue et auquel je préfère la très plaisante chronique de Farhad Manjoo sur slate.fr.
La réalité est que les diapos PPT sont de plus en plus utilisées dans l’entreprise et qu’elles sont de plus en plus souvent le seul support, la seule trace d’une idée ou d’une décision. Certains conseils d’administration ou comités de direction ne produisent rien d’autre en termes de compte rendu qu’un « diaporama » PowerPoint créé sur la base de l’ordre du jour et enrichi des décisions au fil de l’examen des différents points pendant la séance. L’avantage, majeur, est que le document de validation de la réunion est court, factuel, immédiatement disponible. La diapo se banalise également comme support d’une note, d’un devis, voire d’un message administratif ou commercial qui aurait naguère pris la forme d’un courrier.
Mais, c’est bien connu, les diapos PPT ne s’archivent pas, c’est illisible, incompréhensible sans le commentaire de l’orateur ; ce n’est qu’un support du discours oral qui n’est pas et ne peut pas être autoportant et constituer un vrai document.
Cette affirmation, basée sur le support de l’information au lieu d’être inspirée par la valeur du document m’en rappelle une autre : à la fin du siècle dernier, le discours ambiant était : « un message électronique n’est qu’une enveloppe, ce n’est pas un document, ça ne s’archive pas ! Quinze ans plus tard, un des thèmes les plus en vogue dans les salons de gestion de l’information est l’archivage des mails, tant il est vrai que la messagerie est le lieu de production ou de passage de 90% de l’information qui engage.
PowerPoint est un logiciel très souple qui peut servir aussi bien la sobriété que la créativité, le génie que la sottise. Dans une diapo PPT, ce n’est pas l’outil qui est en cause mais la capacité de l’auteur à exprimer ce qu’il a à dire, s’il a vraiment quelque chose à dire. PowerPoint est un outil épatant, surtout la dernière version (je n’en dirais pas autant de ses cousins Word, Excel et Outlook dont les nouvelles versions sont à mon avis moins efficaces que les précédentes mais on fait avec).
En diaporama comme en toute chose, il faudrait éviter d’assimiler une mauvaise pratique à une règle commune.
Après tout, on n’est pas tous des généraux américains !