Il a la forme, la taille et la couleur d’un médicament ; il s’utilise comme un médicament ; il peut être aussi efficace (ou inefficace) qu’un médicament contre certains maux. Mais il ne comporte pas de substance pharmacologique pour agir sur la pathologie ; son action est proportionnelle à la croyance qu’a le patient d’être soigné. Ce n’est pas un médicament. C’est un placebo.
L’effet placebo s’observe également en dehors des frontières de la médecine, dans le domaine commercial, administratif ou social. À la place de la pilule inactive mais colorée, on aura un écrit, par exemple :
De quoi s’agit-il ? De la combinaison d’une annonce agréable qui rappellera de bons souvenirs aux joueuses de Monopoly et de l’image de la signature d’un ancien président de la République téléchargée de Google images. Cela ressemble à une lettre autographe avec compliment et signature manuscrite ; c’est plaisant (pour mémoire, placébo signifie « je plairai » en latin), mais cela n’est pas un document original, vous n’avez rien gagné et Jacques Chirac ne vous connaît pas. Cependant, cet écrit est susceptible de faire de l’effet à des milliers de patientes atteintes d’un mal de reconnaissance, d’un défaut de compliment (ces petites souffrances individuelles qui participent de la morosité collective), dès lors qu’elles voudront bien croire que ce billet presque doux leur est destiné. Il pourrait même prétendre à un remboursement par la Sécurité sociale…
Plus sérieusement, à notre époque de transition de l’ère analogique à l’ère numérique, le placebo Signature est plébiscité par ceux qui souffrent d’« insuffisance fidéale » dans l’environnement électronique.
Avec le numérique, la signature manuscrite disparaît. Son équivalent numérique est un ensemble de données qui tracent la personne qui valide, émet, diffuse le document. La formule d’Isabelle Renard qui fête cette année ses dix ans (la formule) résume tout : « L’original est mort, vive la trace numérique ».
Cette trace est obtenue par différents procédés techniques, de la traçabilité simple des outils (connexion, adresse IP) à la cryptographique asymétrique. La grande différence est qu’elle est invisible à l’œil nu. Pourtant, en cas de soupçon de faux ou de falsification, c’est cette signature numérique (les fichiers qui la composent) qui sera expertisée, mais aussi d’autres signatures sur d’autres documents traçant d’autres actions, car l’analyse d’authenticité et de fiabilité ne peut se contenter d’un seul objet ; la critique comparative est l’autre volet de l’expertise documentaire ou informationnelle.
Mais les changements de mentalités prennent leur temps, surtout que la pédagogie laisse à désirer dans le domaine. De sorte que beaucoup de gens préfèrent encore conserver un courrier sous forme de fichier Word ou PDF dans lequel on a inséré le scan d’une signature manuscrite qui ne prouve pas grand-chose, plutôt qu’un courrier directement électronique (un mail) qui, lui, peut être tracé. L’image de la signature, ça se voit, ça ressemble à quelque chose qu’on connaît, ça rassure, ÇA PLAÎT !
Moralité : exigez une vraie signature (quelle qu’elle soit, manuscrite ou sous forme d’une trace numérique) de vos interlocuteurs, c’est plus sûr ; et contentez-vous d’insérer l’image scannée de votre signature manuscrite dans vos propres écrits si votre interlocuteur n’y voit que du feu et que vous souhaitez pouvoir un jour contester la fiabilité du document…
Autre formule très pertinente d’Isabelle Renard : « la preuve numérique est un process, pas un objet ».