Après une année de billet en –ité (voir l’e-book Sérendipité et autres curiosités) puis une année en –o qui s’est achevée la semaine dernière avec Roman-photo, et dont le recueil sera publié le mois prochain, j’entame aujourd’hui la « saison 3 » de mon blog sous-titré « Critique malicieuse de la société de l’information à usage de ceux qui pensent (et donc archivent) », avec les mêmes règles que je me suis fixées au lancement du blog en juin 2011 : un rythme hebdomadaire et un suffixe à l’année.
Comme nouveau suffixe, j’ai choisi –oire, d’abord parce que j’aime beaucoup les diphtongues, ensuite parce que –oire est un suffixe très ancien dans la langue française, autant dans les substantifs comme histoire ou mémoire, que je commenterai au cours des prochaines semaines, que dans les adjectifs comme probatoire et illusoire, deux qualificatifs qui m’inspirent bien des réflexions dans le monde de l’information numérique… Je précise qu’il s’agit exclusivement du suffixe –oire avec un e final ; donc pas de brèves de comptoir ni de coups d’encensoir…
Écritoire s’est naturellement imposé comme le premier de la série car un blog, c’est d’abord de l’écriture, en tout cas pour celle qui l’alimente.
Écritoire (nom féminin) est un terme particulièrement attachant car c’est un bon exemple du cycle de vie métonymique des mots au cours des temps, au gré de l’évolution des techniques et des pratiques. L’écritoire a d’abord désigné les instruments nécessaires à écrire (parchemin ou papier + encre + plume) ; puis le sens s’est élargit au petit meuble où l’on rangeait ces instruments, une cousine du secrétaire (mot masculin) en quelque sorte. L’écritoire et le secrétaire… Voilà un couple intéressant : l’écrit n’est pas toujours secret, le secret peut être étranger à l’écrit (un bijou, une boucle de cheveu, un morceau d’étoffe…).
Côté mobilier, il existe de très belles pièces d’ébenisterie, comme les écritoires d’officier de marine proposés à la vente sur le site d’antiquités http://www.la-timonerie-antiquites.com/, par exemple celui-ci :
Enfin, l’écritoire a aussi le sens de pièce où l’on écrit. Il faut bien nommer le lieu où se tient la personne dont l’activité essentielle est l’écriture, tel le moine copiste. L’écritoire n’est ici que la forme française du latin scriptorium.
Et aujourd’hui ?
Le terme est toujours utilisé par les fabricants et marchands de meubles avec de nouveaux modèles que, personnellement, j’associe plus volontiers à la cuisine qu’à l’écriture…, ou simplement pour désigner la tablette accrochée à un siège et qui permet de prendre des notes dans une salle de cours ou de conférences.
Mais la véritable écritoire de l’ère numérique se désolidarise d’un lieu délimité dans l’espace. Elle est partout, dans chaque écran de chaque appareil électronique, partout où un objet connecté permet d’enregistrer de l’information et de l’ordonner dans une mémoire. L’internaute dresse son écritoire là où il se trouve, comme on dressait naguère la table à l’endroit le plus approprié pour les convives, ou comme le nomade dresse sa tente à l’endroit le plus propice pour passer la nuit.
L’écritoire d’aujourd’hui est donc très mobile et ne cesse de voyager. La différence est qu’il n’y a pas que les officiers de marine qui écrivent ; tout internaute est en position d’écrire en surfant sur l’océan numérique !
Y aura-t-il une bouilloire ? (j’aime en avoir toujours une à proximité…)
un débrédinoire ? (découvert cet été avec grand étonnement)
Au plaisir de vous lire…
Merci pour votre enthousiasme.
Le déberdinoire (variante orthographique berrichonne), oui, cela s’impose, et c’est prévu.
Quant à la bouilloire, peut-être bien cet hiver…