Computers don’t argue.
On ne discute pas avec les ordinateurs.
C’est le titre d’une nouvelle signée Gordon Rupert Dickson, auteur américain de science-fiction décédé en 2001, plus connu pour la série Le cycle de Childe.
La nouvelle date de 1965. Pour ma part, je connais cette histoire depuis mon adolescence (les années 1970, avant l’usage du Minitel) pour l’avoir entendue raconter par un de mes proches, mais je n’avais retenu ni le nom de l’auteur ni le titre exact, ce qui ne m’empêchait pas de la raconter à mon tour en l’enjolivant parfois comme cela se pratique dans le monde de l’oralité… Grâce à Google (j’ai pris le risque d’être bombardée de mails me proposant des ouvrages de SF mais tant pris), je l’ai retrouvée dernièrement. Vous pouvez la lire en ligne ici.
À noter qu’une autre version du récit, avec d’autres personnages, non signée ([??!!…] figure sur le site de la bibliothèque du Chesnay, là.
Le récit c’est encore mieux que dans mon souvenir ! Quand on voit dans l’actualité certaines situations aberrantes dues à l’aveuglément des machines et à l’impuissance de ceux qui sont censés les gouverner, la nouvelle de Gordon R. Dickson est réellement prémonitoire.
Voici l’histoire : Walter A. Child, un citoyen ordinaire qui aime la lecture (personne n’est parfait…), commande à un club de lecture Kim de Rudyard Kipling, pour environ 25 $. Constatant que le livre reçu est de mauvaise qualité (il manque la moitié des pages), notre lecteur renvoie le livre en demandant un exemplaire complet. Au lieu de cela, Walter reçoit Kidnapped, de Robert Louis Stevenson, avec une nouvelle facture. Il renvoie aussi à l’expéditeur ce livre qu’il na pas choisi.
S’ensuit un échange épistolaire de plus en plus ahurissant : Walter explique la méprise mais son interlocuteur est un ordinateur qui s’exprime sous forme de cartes perforées et qui se montre totalement imperméable au discours humain : Walter doit payer Kidnapped ! Les pénalités de retard de paiement s’accumulent et le pauvre lecteur est bientôt sommé de payer 135 $… Le Club de lecture engage alors une action en recouvrement. Nouveaux interlocuteurs… informatiques. Après quelques séances de moulinette, Walter A. Child est accusé d’avoir kidnappé Robert Louis Stevenson puis, l’ordinateur ayant constaté que la victime est décédée, il est arrêté, incarcéré et accusé de meurtre.
Heureusement, quelques avocats se démènent pour sa cause, déplorant cette époque où les décisions sont prises par les machines (age of machine made records)…
Rien n’y fait. Walter A. Child est condamné à mort. Le seul recours est maintenant d’obtenir la grâce du gouverneur de l’État. Les avocats sont confiants. In extremis, le gouverneur, « investi de l’autorité et de tous les pouvoirs sur ce sujet », signe la lettre de grâce qui est transmise au système central. Réponse : « Erreur ! Vous devez utiliser le formulaire 876 ; la procédure ne souffre aucune exception. Le formulaire devra être signé par votre supérieur hiérarchique » !
L’ordinateur a envoyé un simple lecteur ad patres. Les humains n’ont rien pu faire. Ils sont dépassés.
Rassurons-nous : ce n’est qu’une nouvelle de science-fiction…