On appelle passoire un récipient percé de trous destiné à filtrer des liquides ou à égoutter ou presser des aliments. La passoire laisse passer ou permet de faire passer d’un récipient à un autre certains éléments d’un tout initial en retenant les autres. C’est un instrument de discrimination d’un ensemble composite basé sur les caractéristiques physiques des composants : liquide ou solide, taille des solides, etc. Il existe toute une gamme de passoires : sur pieds ou à manche, en plastique ou en métal, larges trous ou petites mailles, de la taille d’un faitout ou d’une petite cuiller… la fonction restant la même.
Ce que je remarque dans l’usage de la passoire est que, qu’il s’agisse de filtrage ou d’égouttage, le produit final de l’opération de « passage » est :
- tantôt ce qui a traversé la passoire : c’est le cas du thé ou de la tisane en vrac où ce qui est recherché est la boisson infusée ; c’est le cas du vin quand le bouchon (mauvaise qualité du liège ou maladresse du sommelier ?) s’est émietté à l’intérieur de la bouteille ;
- tantôt ce qui est resté dedans : par exemple lorsque l’on égoutte les pommes de terre cuites à l’eau pour préparer une bonne purée des familles (et non une purée Mousseline vite faite) ;
- et parfois les deux : le meilleur exemple est celui de la gelée de coings. Le mélange de fruits et de sucre, une fois cuit, est versé dans une passoire dans laquelle on a déposé un linge fin, étamine ou mousseline (pas la même que ci-dessus, attention !) ; le jus de coings s’égoutte lentement dans le récipient sous la passoire avant d’être versé dans les pots à confiture. Mais ce qui reste dans l’étamine est également conservé, pour confectionner de la pâte de coings, délicieuse par exemple sur une tarte. Autre exemple, les feuilles de thé recueillies pour alimenter le compost (recyclage oblige).
Chaque ustensile de cuisine a des caractéristiques techniques et une fonction bien déterminée. Il en est de même pour les instruments de gestion de l’information : il y a ceux qui servent à produire l’information, ceux qui permettent de la diffuser, ceux qui sont faits pour la conserver, ceux qui savent l’exploiter.
Quand je vois le mélange de bric et de broc que sont la majorité des serveurs partagés en entreprise où le document pertinent voisine avec les brouillons trompeurs, où les originaux numériques natifs se télescopent avec des copies non contrôlées, je me dis que rincer les serveurs dans une « passoire informationnelle » pour éliminer les détritus et autres impuretés qui glisseraient par les trous ou pour presser les données, récupérer le « jus de données utile » et jeter les feuilles, fibres, cosses et autres vieilles peaux sans intérêt, serait une opération profitable. La « passoire informationnelle » est un outil qui permet de séparer les documents ou données à valeur ajoutée pour leur propriétaire des documents ou données parasites, ou de faire passer par les trous ce dont on veut se débarrasser (il faut bien choisir la passoire en fonction des caractéristiques des éléments à traiter).
Mais il ne faut pas se tromper d’instrument, prendre la casserole pour une passoire ou la passoire pour un bocal !
Le 26 février 2013, le journal Le Monde publiait un article de Sylvain Cypel intitulé « Le « cloud » est une passoire ». Un billet (non daté) de Christian Combaz porte également ce titre. Dans la course-poursuite des gendarmes et des voleurs à l’ère numérique, c’est-à-dire le cyber-espionnage et cyber-contre-espionnage, on constate que la conservation des données dans le « nuage » n’est pas fiable : le nuage laisse passer des données qui ont vocation à être conservées de manière sécurisée et non à être communiquées.
Quand le bocal de conservation ressemble à une passoire, on peut se demander quel goût aura la confiture…
Et comme chacun sait, « la notion de passoire est indépendante de la notion de trou » (Proverbe Shadock bien connu des amateurs) !!
… et réciproquement!
Oui. Dans ce monde illogique, il faut reconnaître que la logique des Shadoks tient la route!
Excellente idée que celle de la «passoire informationnelle». Et je serai vraiment impressionné par la technologie le jour où telle passoire sera capable d’éliminer les vieilles peaux qui encrottent durablement administrations, institutions et entreprises. On peut rêver…
Les outils technologiques qu’on me propose, en général, ne me séduisent pas (il y a quelques exceptions bien sûr). Alors, je me prends effectivement à rêver. L’inventeur est peut-être quelque part.