Voilà un mot très ancien, de la foire du Lendit aux foires de Champagne, court (en comparaison de braderie ou kermesse), évocateur (le Trône, l’empoigne…), éclectique et voyageur (les livres à Francfort, les haricots à Arpajon, les chameaux à Pushkar), modernisé dans le sigle de manifestations huppées (la FIAC).
Foire est un mot complet, pratique, efficace, mais un mot hélas galvaudé dans l’expression « Foire aux questions » (FAQ). Ce n’est pas une manifestation commerciale et festive (tout au plus un rayon de supermarché bien calibré) qui ne se tient pas en plein air. Elle est finalement bien moins interactive – quoique numérique – que le déballage des offreurs au profit des acheteurs, et vice-versa, dans un champ ou une halle organisée pour l’échange.
C’est normal puisque la foire aux questions n’est pas une foire ! La « foire aux questions est une traduction-transposition un peu tartignole de l’expression anglaise « Frequently asked questions » (FAQ). C’est ce qu’on appelle une rétro-acronymie : on garde un sigle existant mais on change les mots, pour pouvoir garder le logo ou, comme ici, pour ne pas modifier l’acronyme anglo-saxon, la volonté de franciser à tout crin n’ayant d’égal que la crainte de toucher au sigle anglais. Il y avait pourtant bien d’autres possibilités :
- en gardant le sigle : Fréquemment Adressées Questions (dans le genre « romaine patrouille » ou « d’amour vos beaux yeux mourir me font ») ou Focus sur d’Astucieuses Questions, ou encore Fariboles des Autres Quidams ;
- en le transposant ou en l’adaptant : Questions Les Plus Courantes (QLPC), Questions récurrentes (QR), voire carrément « Ce qu’il faut savoir » car c’est le contenu réel de nombreuses FAQ.
J’ai récemment planché, pour un ouvrage collectif piloté par mes collègues de Montréal, sur les nouveaux « genres » documentaires et archivistiques issus du monde numérique. La littérature anglo-saxonne sur la « théorie des genres » dans le monde de l’information (genre theory, à ne pas confondre avec la gender theory qui n’a rien à voir – il y a là un vrai problème de traduction !) classe les FAQ dans la liste des nouveaux genres d’information au même titre que les pages d’accueil, ou le « À propos » des blogs.
Or, tout au moins de ce côté de l’Atlantique, hormis l’appellation qui fleurit (au point de s’affirmer comme substantif féminin singulier : la faq), les contenus que les différents sites web mettent derrière les FAQ sont si hétéroclites qu’on ne peut y voir une unité de genre. Il s’agit plutôt de la récupération d’une expression en vogue :
- pour afficher un baratin commercial ou faire de la communication institutionnelle,
- pour exposer un mode d’emploi ou pour présenter un article fouillé sur un sujet (ex : les 50 questions sur la restauration collective),
- pour suggérer de vraies-fausses questions qu’un internaute n’aurait pas idée de poser (ex : Pourquoi est-il parfois difficile d’ouvrir et de fermer les portes des coffres ou armoires ?)
On trouve même, ici et là, des rubriques FAQ qui ne comportent aucune question…
Les foires aux questions existent pourtant sur Internet mais elles ne portent pas ce nom-là (décalage chronique entre les mots et les choses…). Ce sont les forums ou blogs où les internautes posent véritablement les questions et où d’autres internautes répondent, selon le mode de la foire d’antan, en toute convivialité, connotation commerciale en moins. Les foires sur les questions informatiques sont particulièrement développées : www.commentcamarche.net, http://forum.pcastuces.com, http://www.clubic.com, etc.
Vive la foire, la vraie, sans oublier la foire aux vins, par exemple celle de Reuilly qui m’est familière et qui se tient chaque année en ce jour de lundi de Pâques. À votre santé !
La formule qui représente le mieux les FAQ en français me semble, si j’en crois ma propre expérience, «Fariboles des Autres Quidams». En effet, jamais je n’ai trouvé de réponse à mes questions dans quelque FAQ que ce soit, et jamais je n’aurais eu l’idée de poser les questions dont on trouve les réponses. Suis-je normal? Fichtre, Ami Quasimodo!
La normalité renvoie soit à l’attitude du plus grand nombre, soit à un modèle qu’on se donne comme référence et qui en est fréquemment l’inverse. C’est très pratique car on est toujours normal, il suffit de trouver la référence ad hoc. (cf ton commentaire sur les caleçons de bain dans les piscines).
Sur le fond de la question, je note qu’autrefois les gens allaient à la fac pour s’instruire ; maintenant, ils sont pressés et vont à la faq. Les temps changent, le q a remplacé le c…