La clairvoyance est la faculté de voir ce que d’autres ne voient pas, de discerner dans une situation confuse les apparences qui se rapprochent de la réalité et celles qui la déforment, d’identifier les éléments qui sont déterminant pour l’avenir. De voir clair, et d’en tenir compte pour agir.
La clairvoyance est innée ou cultivée, comme bien des qualités.
Elle est innée, a priori, chez les voyants et les voyantes, autrement dit les médiums. Attention à ne faut pas confondre médiums, pluriel de medium (la personne), avec media pluriel de medium (le support de l’information), ni avec médias, pluriel de média (l’organe de communication). Cela dit, il y a un point commun qui est la médiation opérée (censée être opérée) par chacun de ces spécialistes entre l’individu et le monde dont il souhaite avoir connaissance. Si tous les médiums et tous les médias étaient clairvoyants, ça se verrait… Bref, tout cela est très moyen…
Ceux pour qui la clairvoyance n’est pas une disposition naturelle cherchent parfois à l’acquérir par l’étude, la discipline, mais surtout l’observation et la réflexion. Une telle attitude est louable chez tout individu. Elle est obligatoire pour tous ceux qui exercent une autorité. Tous les chefs qui sont amenés à prendre des décisions qui obèrent le portefeuille, l’avenir, voire la vie de leurs administrés et de leurs clients présents et futurs, ont un devoir de clairvoyance. Tous les domaines de la vie collective sont touchés, depuis la gestion des archives jusqu’à la conduite des affaires du monde, en passant par la production des lois.
Être clairvoyant dans la gestion des archives, c’est notamment intégrer le fait que l’information qui constitue la mémoire collective échappe de plus en plus aux circuits administratifs de production et de collecte du vingtième siècle ; mais aussi admettre que les deux tiers de l’information existante ne doivent pas être conservés et se concentrer sur le tiers pertinent.
Être clairvoyant pour diriger un pays, a fortiori quand ce pays est la cible d’un terrorisme international exalté, c’est faire l’effort de lever la tête pour voir autre chose que le bout de ses chaussures (fussent-elles de luxe) ; c’est ingérer dans ses fonctions la fait que la mondialisation n’est pas une opportunité unilatérale de commerce, de tourisme ou d’idéologie, mais une interpénétration de tous les courants ; c’est s’intéresser aux idéaux des jeunes générations, même quand elles n’aiment pas Madonna ou Psy ; c’est comprendre que quand on décapite un pays, c’est comme quand on décapite un corps, les morceaux s’en vont chacun de leur côté et peuvent devenir fous ; c’est ne pas séparer les victimes d’ici et les victimes de là-bas comme si ces dernières n’étaient pas les victimes du même mal ; c’est considérer les événements du monde comme des événements qui concernent tout le monde, par exemple le fait que, si on en croit l’étude de l’Institute for Economics and Peace, l’année 2014 a connu une augmentation de 80 % des victimes du terrorisme dans le monde par rapport à l’année précédente, avec plus de 32 000 morts dont près de 10 000 en Irak…
Être clairvoyant, c’est ne pas confondre l’individu et le groupe, l’émotion et la raison d’État, la loupe et le télescope, le général thébain Épaminondas, vainqueur de Sparte au IVe siècle avant J.-C., et le jeune Épaminondas qui, ayant été instruit que pour transporter un morceau de beurre par temps chaud, il faut l’envelopper dans une grande feuille et le tremper régulièrement dans la rivière, applique le même traitement la semaine suivante à son petit chien, ne « clairvoyant » pas que le contexte a changé…