Plat du pauvre, menu de luxe ou régime pour enfants maigrichons, la laitance de harengs est vraiment un aliment éclectique !

Un hareng fumé (un bouffi dans mon vocabulaire familial mais il existe diverses appellations) réserve toujours une surprise à l’ouverture de l’abdomen : sera-ce des œufs, du lait ou rien ? Avec les déceptions ou disputes que peuvent occasionner le résultat en fonction des préférences des convives. Personnellement, c’est le lait, plus précisément la laitance (nom dû à sa couleur blanchâtre…) que je préfère.

Son goût légèrement salé et sa texture onctueuse incitent à fermer les yeux pour savourer sa délicatesse. Mélangée à une salade de pommes de terre tièdes, avec un filet d’huile d’olive, quelques gouttes de citron et un peu de persil ou, mieux, de cerfeuil, c’est un vrai délice. Sans compter que, ajoutée aux filets du poisson soigneusement levés de par et d’autre de l’arrête dorsale, la laitance augmente pratiquement de cinquante pourcents la part consommable de l’animal.

Dans sa Physiologie du goût (1825), Brillat-Savarin recommande une laitance de carpe pour relever le goût d’une omelette au thon : pour 6 personnes, faire blanchir deux laitances de carpe puis les hacher avec un morceau de thon nouveau et une échalote ; faire sauter le tout dans une casserole avec un bon morceau de beurre, du persil et de la ciboulette ; battre six œufs où vous verserez le mélange de laitance et de thon…

Les chefs japonais, eux, savent accommoder la laitance de morue, de saumon ou de baudroie pour le plus grand plaisir des gastronomes nippons (là, je crois sur parole ce que j’en ai lu car je n’y ai pas encore goûté, une lacune dans ma culture culinaire).

Dans les rayons des boutiques autorisées cependant, la laitance de poisson se présente plus volontiers sous forme de gélules vendues dans un flacon de pharmacie, loin de la forme oblongue du poisson On pourrait imaginer une commercialisation en briquettes rectangulaires, comme pour le poisson pané, plus familières aux enfants que l’animal aquatique à branchies et nageoires, mais manifestement personne n’y a pensé.

Il y a ceux qui salivent rien qu’à regarder la photo et ceux qui répriment un haut le cœur à l’idée de devoir ingurgiter cette chose  flasque qui évoquerait plutôt une purée de tagliatelles trop cuits rehaussée de quelques trace de brûlé, une crème caramel au lait tourné ou encore du tofu périmé. Une réticence qui peut provenir du simple aspect de la laitance, même quand on ne sait pas qu’il s’agit de sperme de poisson. Et pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Comme quoi, il n’y a pas que dans le cochon que tout est bon !

 

2 commentaires

  1. En tout cas, moi, tu m’as mis l’eau à la bouche !
    Tes billets sont tjrs aussi savoureux…

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