Ce qui ressemble à l’éclair par sa brillance et sa rapidité (définition de fulgurance) peut subjuguer par sa beauté ou être dommageable à celui ou celle qui s’est imprudemment exposé(e) et se retrouve foudroyé(e).
Depuis la mondialisation de la société de l’information, la fulgurance numérique s’est imposée comme une des caractéristiques, un des attributs des réseaux sociaux, de même que l’éclair était un attribut du tout puissant Zeus-Jupiter dans l’Antiquité gréco-romaine.
La fulgurance numérique est un phénomène que j’observe volontiers, comme j’observerais un phénomène météorologique attractif et instructif, en prenant toutefois les précautions minimum pour ne pas risquer un impact fatal, pour ne pas me hasarder à être subitement électrocutée par la petite phrase qui tue, le tweet assassin, la vidéo infernale qui lamine sa victime.
À l’origine, il y a trois fois rien : quelques données, des mots, des sons, des images, un petit fichier somme toute très anodin. Très anodin numériquement mais trop souvent tronqué, décontextualisé et déformé (« Vous voudriez me faire dire que je veux vous tuer, mais vous n’y parviendrez pas ! » transformé en « Je veux vous tuer ! »), délocalisé (extrait de sa sphère de production initiale, restreinte, personnelle voire intime, comme peuvent l’être les phrases et vidéos volées à la vie privée), perverti et déprédateur. Absence d’authenticité, de complétude et de respect des droits des personnes, à partir de quoi plus rien n’est garanti.
Le postage, la mise en ligne peut être le fait d’une intention délibérée de nuire (tous les coups sont permis dans la guerre ouverte des médias) ou résulter d’une imprudence, inconséquence, imbécillité (cas le plus fréquent sans doute), ou encore être accidentelle (un accident peut survenir même quand on est prudent…).
C’est alors que se produit le phénomène proprement dit : les données se cristallisent brusquement et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ce rien d’information, enregistré sur la toile, est aspiré par la viralité des réseaux conducteurs et se propage en quelques secondes en des millions de points de l’espace internétique, tout comme un éclair qui irradie le ciel. Objectivement, le phénomène n’est pas sans beauté.
Le tonnerre social est tantôt audible tantôt plus discret. La foudre s’abstient le plus souvent mais pas toujours. La fulgurance numérique fait quelquefois des dégâts. Ce sera une âme brisée, une carrière démolie, une vie cassée ou un être conduit au néant. Mais la foule spectatrice s’est déjà dispersée, attirée par un nouveau jaillissement de données excitantes. Ah ! La cruauté de la nature humaine le dispute méchamment à la cruauté de la nature tout court.
Ceci dit, certains internautes me font penser à ces enfants qui, pris par l’orage, saisissent une tige de fer pour se défendre contre l’ennemi potentiel et courent se placer sous un arbre…
Une question d’éducation, encore et toujours.
Je reviens à une acception plus classique de fulgurance, au sens d’une action inspirée et visionnaire. Parmi les personnages auxquels la notion de fulgurance est volontiers associée se trouvent le peintre Georges Mathieu et l’émir Abd el-Kader, dans des domaines bien différents mais également positifs. J’avoue que si l’un et/ou l’autre vivaient encore et avaient un compte Twitter, je m’abonnerais…