Face au triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité », je rattacherais bien la redevance à la Fraternité.
Le mot redevance désigne en effet, entre autres choses, cette somme d’argent que les usagers d’un service public versent à la collectivité, cet argent permettant de financer le bon fonctionnement de ce service commun. Les bénéficiaires du service (par exemple, l’accès à l’eau courante) sont assurément redevables de ne plus aller tirer l’eau au puits et « donnent en échange » ou « redonnent sous une autre forme » de quoi faire marcher le système. Il y là une notion de solidarité, proche et surtout plus moderne, plus républicaine peut-être, que fraternité. J’utilise le service, je paie. La somme acquittée est en général proportionnelle au bénéfice reçu.
Juridiquement parlant, la redevance se distingue de la taxe dans le sens où la redevance n’est exigible que des utilisateurs réels du service, tandis que la taxe est obligatoire et doit être payée également par tous les utilisateurs potentiels. Le meilleur exemple est la taxe sur le ramassage des ordures ménagères. Chaque propriétaire est tenu de la payer, même s’il ne produit pas d’ordures ménagères (parce qu’il n’est jamais là, parce qu’il est végétarien et que les déchets de ses fruits et légumes alimentent son compost, parce qu’il n’achète que des plats cuisinés dans une gamelle en fer blanc donc sans emballages, etc.). Cette taxe-là est à mi-chemin entre la redevance et l’impôt, c’est-à-dire entre la contribution solidaire et la part des revenus ou des transactions que l’État prélèvent, a priori équitablement sur les citoyens et les acteurs de la vie économique.
L’impôt illustre donc plutôt le terme Égalité du slogan républicain. Enfin, en théorie, parce la pratique suggérerait plutôt la notion inverse. Où est l’égalité républicaine quand 50% des citoyens ne paient pas d’impôt, pas même 1 euro symbolique ? Ou quand des dizaines de milliers de gens fraudent le fisc et, de fait, ne paient pas à la collectivité (dont ils continuent à profiter) leur quote-part ?
Je reviens aux redevances et à la plus connues d’entre elles, en France du moins : la redevance audiovisuelle qui s’appelle officiellement «contribution à l’audiovisuel public » (depuis 2009) et qui serait finalement une taxe. J’ai eu l’occasion de réfléchir à cette question il y a quelques semaines, après la visite, impromptu, d’un contrôleur des impôts.
Voici les faits : il se trouve que je ne possède plus de téléviseur depuis longtemps, de même que je ne possède pas un certain nombre d’objets qui, à mes yeux et pour mon usage, présentent plus d’inconvénients que d’avantages. Je prends donc soin de cocher, sur la première page de ma déclaration de revenus, la case « Contribution à l’audiovisuel public » pour signifier que « aucune de mes résidences n’est équipée d’un téléviseur ». Je signe ma déclaration. Cochon qui s’en dédit !
Comme je n’étais pas à mon domicile lors de cette visite dudit contrôleur, j’ai trouvé à mon retour un « avis de passage », sans enveloppe, déposé comme une pub dans ma boîte aux lettres : à cause de mon absence ce jour-là, l’inspecteur n’a pas pu vérifier la véracité de ma déclaration signée… Vous m’en voyez désolée. Il m’est demandé de ne rien payer tout de suite car un avis d’imposition me sera envoyé ultérieurement… Je dois par ailleurs compléter et renvoyer à la direction régionale des finances publiques le bas de l’imprimé, après avoir coché une des deux options suivantes :
- Je déclare détenir un appareil récepteur de télévision depuis…
- Je maintiens ma déclaration de non détention…
Quel que soit le terme utilisé par l’administration fiscale (redevance, taxe, contribution ou autre), j’ai le sentiment d’être suspecte en ne regardant pas la télévision (comme Georges Brassens qui restait dans son lit douillet le 14 Juillet). Si la contribution à l’audiovisuel public devient un impôt, je paierai, malgré la faiblesse des programmes, mais je veux être libre de ne pas regarder la télé et de ne pas détenir de téléviseur.
La Liberté n’est-elle pas le plus grand des biens ?
Combien cela doit coûter à l’Etat (et donc aux imposables, pardon aux redevanciers de la République)…() de couvrir les coûts de cette double déclaration (la première puis la deuxième post-visite de l’inspecteur) de la non-existence d’un non-objet (le téléviseur qui n’existe pas) ! Esperons qu’un une « redevance » ne soit pas inventée puis appliquée aux rires fous que déclenchent de telles histoires!
Oh, Restons vigilants! Quand les caisses sont aux trois-quarts vides, l’Etat sait inventer toutes sortes de redevances et autres taxes. Rions discrètement…