La soutenance est une activité vertueuse.
Je ne parle pas là, bien évidemment, de l’action des souteneurs à l’encontre des dames de petite vertu.
Je parle de cette épreuve ponctuelle, d’une durée de quelques minutes à quelques heures, qui ponctue une formation universitaire, au cours de laquelle l’étudiant, l’impétrant à un titre universitaire, présente à un jury académique son travail personnel de recherche ou son mémoire de fin d’études.
On utilise le même mot, soutenance, dans le monde des consultants et sous-traitants pour désigner la présentation orale d’une proposition technico-commerciale à un client ou à un prospect. La seule différence est que, dans le monde universitaire, 99% des soutenances conduisent au diplôme tandis que, dans le monde économique, le pourcentage de soutenances qui débouchent sur un contrat de prestation excède rarement 30 ou 40%. Dans le premier cas, on juge, en soi, le travail d’un étudiant qui, en général, a été tutoré et dont la production ne recèle pas de grandes surprises (si l’exercice est médiocre, la note ou la mention sera plus faible, voilà tout). Dans le second cas, il s’agit de choisir un prestataire et donc d’éliminer les autres, selon les lois de la concurrence. Mais pour l’auteur, l’exercice est le même : assumer et défendre au mieux ses idées et sa compétence pour décrocher le pompon.
La soutenance est vertueuse dans le sens où il s’agit d’une étape essentielle, celle qui permet de clore, pour l’auteur et pour ses interlocuteurs, le processus de réflexion et de mise en forme rédactionnelle. La soutenance comprend une synthèse, une valorisation de la quintessence du travail, une prestation orale, autant d’éléments sans lesquels la production intellectuelle est inaccomplie, inachevée.
Un mémoire sans soutenance est comme un plat concocté soigneusement par un chef cuisinier qui le laisse sur le fourneau sans le servir aux convives.
L’ennui est que la soutenance a tendance à adopter les lourdeurs des thèses et mémoires eux-mêmes : longueur, caractère abscons, désincarnation, conformisme. On s’y ennuie souvent des deux côtés, à la produire et à y assister. Les thèses-fleuves endorment les membres du jury ; les soutenances plan-plan ne les réveillent pas.
Heureusement, la soutenance en 180 secondes est arrivée !
Elle vient d’Australie en passant par le Québec, avec son exigence de concision et de simplicité ; la thèse (s’il y a vraiment une thèse et si elle est bonne) doit pouvoir être expliquée simplement à un jury profane, voire à un enfant dirait Einstein. Tout dire en très exactement trois minutes. Un défi de nature à doper les étudiants et leur jury. De fait, il est enthousiasmant de voir la créativité et le dynamisme des étudiants qui s’y sont livrés. C’est devenu un sport ou un jeu, avec ses tournois et ses finales :
- Ma thèse en 180 secondes – Finale régionale Bretagne 2013 – Prix du Jury : Marianne Prévôt
- Ma thèse en 180 secondes – finale internationale 2014 : Chrystelle Armata
- Ma thèse en 180 secondes – Finale régionale 2016 Université de Strasbourg
Tout le monde y gagne ; en temps et en clarté. Pour l’impétrant, le gain de temps n’est pas immédiat car la concision et la justesse de l’exposé requiert une préparation soignée qui l’oblige à rechercher plus profondément en lui l’originalité et la spécificité de sa pensée. Et ça, aurait dit Thucydide, c’est un acquis pour toujours, donc du temps gagné sur les projets ultérieurs.
La soutenance en 180 secondes est une salutaire révolution à 180°. Si j’étais ministre, je l’introduirais partout…