Invitée à l’Inforum de l’ABD (Association belge de documentation) qui a eu lieu le 24 mai dernier à Bruxelles sur le thème « We manage everything« , j’ai choisi de mettre en évidence les points communs entre le monde de l’information numérique et les siècles documentaires qui l’ont précédé, plutôt que d’insister sur les différences portées par les supports.
En effet, on peut constater que depuis l’invention de l’écriture, quelles que soient les techniques d’enregistrement de l’écrit, les documents (contenus sur un support) jouent un double rôle : constituer des sources de connaissance et traces les transactions pour en garder une mémoire fiable. Fondamentalement, il y a d’un côté les livres (sources de savoir) et de l’autre les documents d’archives (traces des actes) ; les mots changent mais cette réalité reste. Quant au support et à la forme de l’information, ils exploitent les outils mis à disposition par le développement technologique et économique du moment.
Pour appuyer mon propos, j’ai osé un parallèle entre la gestion de l’information et la danse. Toute expression, intellectuelle ou corporelle, reflète les codes et l’environnement social de l’époque qui la voit naître. Trois images de danses extraites du cinéma (menuet, valse et hip hop) illustraient ma présentation à Bruxelles. Comme je n’ai pas repris ces images dans l’article définitif à paraître dans les actes de la journée à l’automne, je les poste ici simplement.
Le menuet. Les Visiteurs du soir de Marcel Carné & Jacques Prévert (1942). La scène se passe à la fin du XVe siècle dans un château du sud de la France. C’est le bal des fiançailles de la fille du seigneur du lieu. Les fiancés (Marie Déa et Marcel Herrand) dansent le menuet avec les autres invités. Les couples, se tenant par la main, exécutent lentement des figures codifiées et sobres dont ils semblent avoir l’habitude. C’est l’époque de la charte médiévale et du manuscrit philosophique, qui se croisent et se saluent, sans s’immiscer dans les affaires de l’autre.
La valse. Scène du bal dans Le Guépard de Luchino Visconti, adapté du roman de Lampedusa (1963). Le décor est celui de la Sicile dans la seconde moitié du XIXe siècle, de l’essor économique, des succès militaires de Garibaldi, avec un fond de romantisme. Un aristocrate vieillissant valse avec la fille d’un bourgeois enrichi qui va épouser son fils (Burt Lancaster et Claudia Cardinale). Les couples évoluent au milieu des ors et des lumières, avec une prestance soulignée par la magnificence des costumes. Cette période d’expansion économique connait une explosion des masses documentaires, avec la naissance du dossier, le développement de la correspondance commerciale, scientifique ou littéraire.
Le hip hop. Dans Dance Battle – Honey 2 de Bille Woodruff (2011), la danse est un moyen pour le personnage principal (Katerina Graham) de gagner une compétition et la reconnaissance de son entourage. Le rythme est accéléré, les mouvements saccadés, les figures plus complexes. C’est une danse à la fois collective et individuelle (il n’y a plus de couple), où chacun semble pris dans une struggle for life. On retrouve ces caractéristiques d’individualité, d’accélération, d’immédiateté, de pression économique dans les comportements de la société numérique, autour de l’Internet et des réseaux sociaux.
Cette comparaison un peu artificielle a pour but d’inviter les professionnels de l’information (et les autres) à la réflexion sur la relation entre le monde de l’information et le style de vie de ses utilisateurs.