J’ai remarqué depuis quelques mois une subtile modification dans la façon dont, sur Internet, je peux utiliser les URL (Uniform Resource Locator autrement dit adresse d’une page Web).
Jusque-là, lors que je copiais-collais l’URL d’un article consulté en ligne, j’obtenais soit l’adresse simple (si j’étais allée directement sur le site), soit une adresse assez longue composée de l’URL proprement dit prolongée par des éléments traçant la recherche qui m’avait conduite sur la page, charge à moi de raccourcir cette référence trop longue pour la ramener à l’URL nécessaire et suffisante (ceci pour les sites qui tracent les chemins d’accès, ce que tous ne font pas).
Maintenant, en faisant le même geste (CRTL+C suivi de CRTL + V), j’obtiens un titre avec un hyperlien masqué, de sorte que je ne vois plus les traces de recherche embarquées. Si donc, je réutilise ce titre avec son lien caché, je ne vois plus que j’embarque à mon tour les traces de recherche.
Bon, avec un exemple, ce sera plus clair.
Si je me promène sur le site https://theconversation.com/fr, je peux consulter l’article « Fermeture des piscines municipales, ou quand le droit fait de la brasse coulée » publié le 14 septembre 2022. L’URL est : https://theconversation.com/fermeture-des-piscines-municipales-ou-quand-le-droit-fait-de-la-brasse-coulee-190698
Je peux aussi lire cet article à partir de la Newsletter de The Conversation France à laquelle je suis abonnée. Je clique sur le lien dans la Newsletter et j’arrive sur la même page, à ceci près que l’URL en haut de la page est devenue : https://theconversation.com/fermeture-des-piscines-municipales-ou-quand-le-droit-fait-de-la-brasse-coulee-190698?utm_medium=email&utm_campaign=La%20lettre%20de%20The%20Conversation%20France%20du%2014%20septembre%202022%20-%202403324008&utm_content=La%20lettre%20de%20The%20Conversation%20France%20du%2014%20septembre%202022%20-%202403324008+CID_149cd898aefaeded2f7fc98a5eef8e37&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Fermeture%20des%20piscines%20municipales%20ou%20quand%20le%20droit%20fait%20de%20la%20brasse%20coule
Cette formule, nettement plus longue et plus cabalistique, inclut, derrière l’URL simple, suivie d’un point d’interrogation, des éléments indiquant que j’arrive sur la page via la Newsletter, ce qui en soit n’est pas confidentiel, les sites Web ayant intérêt à pister un peu la fréquentation de leur page. Pourquoi pas ? Je me place ici du point de vue de l’utilisateur.
Or, ce que je veux souligner est que, alors qu’hier je voyais cette URL à rallonge quand je copiais-collais la référence d’un article, elle est aujourd’hui a priori masquée. Si je fais CRTL+C suivi de CRTL+V dans un fichier Word, dans un mail ou dans un post sur un réseau social, pour ce même article : j’obtiens : Fermeture des piscines municipales, ou quand le droit fait de la brasse coulée (theconversation.com) c’est-à-dire le titre donné par le site à l’URL longue.
Pour obtenir ce que j’avais avant, c’est-à-dire le titre long que je peux abréger pour avoir l’URL « propre », je dois coller le titre avec un clic droit.
Et alors ? Pourquoi gaspiller mes mots et le temps de mes lecteurs avec d’aussi infimes détails dont tout un chacun se contrefiche ? Il y a quand même des sujets plus sérieux à discuter, non ?
Eh bien, pour deux raisons.
La première est que j’aime bien savoir ce que je fais, disons ce qu’Internet me fait faire. Par ailleurs, on nous rebat assez les oreilles avec les spams ; or, très souvent les liens vicieux présents dans les mails ont justement une forme de titre accrocheur et il faut passer délicatement la souris sur ce titre pour voir l’ineptie de l’URL derrière. Donc, tant qu’à être attentif et à s’habituer à des liens propres et explicites, autant le faire pour tout.
La seconde raison est que si je partage un lien avec d’autres, il est plus correct d’avoir une URL sobre plutôt qu’une adresse alourdie de fioritures inutiles qui, à la longue, alimentent une traçabilité des faits et gestes des internautes qui me sont assez tracés comme ça.
Je remarque de plus en plus de posts sur LinkedIn qui partagent un article de presse avec l’URL à rallonge, masquée par le titre. Exemple le post suivant datant du 26 septembre 2022 (j’ai retiré le nom de la personne) :
Je clique sur le lien et je note que l’URL est https://www.lefigaro.fr/actualite-france/hopital-de-l-essonne-cyberattaque-les-hackers-ont-diffuse-des-donnees-20220925?utm_source=app&utm_medium=sms&utm_campaign=fr.playsoft.lefigarov3, alors que
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/hopital-de-l-essonne-cyberattaque-les-hackers-ont-diffuse-des-donnees-20220925 aurait été suffisant.
Je vois aussi dans les bibliographies (celles des mémoires d’étudiants par exemple), certaines URL à rallonge, non toilettées, qui me font sourire car je vois comment l’étudiant a procédé en coulisse, et ce n’est pas toujours à son avantage…).
Cette mauvaise pratique me fait penser à celle qui consiste à diffuser un document soi-disant définitif à un destinataire (client, avocat, professeur…) au format Word avec toutes les modifications apportées au fichier embarquées bien que masquées. Un client me racontait un jour combien il avait ri en recevant d’un prestataire, en réponse à un appel d’offre, une offre dont le nom de fichier finissait par « … V13.doc » et où le client avait pu exhumer les hésitations et commentaires internes de l’entreprise pour la rédaction de cette offre commerciale. Inutile de dire que le prestataire n’avait pas été retenu et avait même été blacklisté.
Bref, le sujet est sans enjeu ou presque. C’est juste une question d’hygiène numérique, voire de politesse numérique.
Faire le ménage avec rigueur et discernement, voilà un art qui se perd…
Oui… L’art est parfois dans les détails, et on n’y trouve pas que le diable…