Dans le débat actuel sur la mise en ligne des cahiers de doléances / cahiers citoyens issus conjointement du mouvement des Gilets jaunes et du Grand débat national, la question de la méthode n’est pas neutre.
Le constat du traitement partiel et partial effectué sur ces cahiers en 2019 invite à faire mieux. Plus facile à dire qu’à faire. Ou plutôt, éditer quelques cahiers d’un département est une chose. En éditer 20 000 à l’échelle nationale en est une autre. Mais travailler sur un échantillon est un passage obligé si on veut mesurer toutes les facettes du travail.
Enseignements d’un échantillon de cahiers de doléances.
Présentation de l’échantillon
J’ai donc sélectionné 14 cahiers sur les 451 communes de Charente-Maritime qui en ont produit un, le tout représentant 239 des 3138 contributions départementales, soit 7,6 %. Comparé aux 200 000 à 250 000 contributions de l’ensemble du territoire, cela fait environ 0,1 %…
Les communes dont les cahiers sont mis en ligne sont (ordre alphabétique, indication du nombre d’habitants, et du nombre de contributions) :
Bourcefranc-le-Chapus (3461 h, 35 c)
Brie-sous-Archiac (238 h, 0 c)
Corme-Écluse (1121 h, 9 c)
Fontenet (390 h, 7 c)
Jazennes (542 h, 0 c)
Le Thou (1932 h, 10 c)
Marans (4489 h, 34 c)
Nancras (797 h, 5 c)
Rochefort (23583 h, 110 c)
Saint-Césaire (884 h, 7 c)
Saint-Denis-d’Oléron (1302 h, 9 c)
Sainte-Colombe (108 h, 2 c)
Saint-Hilaire-de-Villefranche (1320 h, 5 c)
Taillebourg (743 h, 6 c)
Comme le montre la carte, les communes de l’échantillon sont réparties dans tout le département. Elles concernent 11 des 14 les intercommunalités du département (il manque La Rochelle, son agglomération et l’île de Ré). La population de ces communes va de 108 habitants (Sainte-Colombe) à 23 583 habitants (Rochefort).
Deux cahiers sont vierges mais intéressants tout de même : celui de Brie-sous-Archiac (238 habitants) malgré un beau gilet jaune sur sa couverture et celui de Jazennes (542 habitants) malgré ses 18 feuilles reliées pour recevoir les doléances.
Pour les 12 autres cahiers, le nombre de contributions va de 2 (Sainte-Colombe) à 110 (Rochefort). Le rapport entre le nombre de contributions et la population (recensement 2018) donne un ratio de 1 contribution pour 50 à 250 habitants. Les 239 contributions totalisent environ 33500 mots (140 mots en moyenne) dont les transcriptions couvrent 104 pages A4 (police Calibri 11). Sur cette base, les transcriptions au niveau national représenteraient environ 100 000 pages.
La longueur des contributions est très hétérogène, au sein d’un cahier et d’une commune à l’autre. Les plus courtes sont celles de Bourcefranc-le-Chapus (68 mots en moyenne) et les plus longues celles de Saint-Césaire (563 mots en moyenne). D’autres disparités de forme pourraient être étudiées davantage : par exemple, la majorité des 35 contributions de Bourcefranc-le-Chapus sont datées ; une seule des 34 contributions de Marans l’est.
Dans cet échantillon, 90 % des contributions sont manuscrites (écrites directement sur le cahier en général, parfois collées ou insérées) mais ces contributions manuscrites ne représentent que 67 % des mots de l’ensemble. Tandis que les contributions dactylographiées, 10 % du corpus, représentent 33 % des textes.
À noter que les contributions manuscrites sont sur-représentées dans cet échantillon car j’ai voulu compenser le taux d’écritures manuscrites rejetées faute de savoir les lire lors de la préparation du traitement algorithmique par la mission du Grand débat. Sur les 3138 contributions de Charente-Maritime, les manuscrites représentent 75 % et les dactylographiées 25 % (le comptage des mots ne peut se faire valablement que sur la transcription intégrale des contributions).
L’observation de cet échantillon de 239 transcriptions (fond et forme) confirme les premières analyses après revue sommaire des 3138 contributions de Charente-Maritime (voir la page récapitulative) et suggère quelques réflexions sur l’opportunité et la faisabilité de la mise en ligne de la totalité des cahiers à l’échelle nationale.
Variété des contributions, des ressentis et des thèmes
Les contributions prennent des formes variées et toute catégorisation est un peu biaisée, on ne peut l’éviter mais on peut expliquer ses biais.
Je livre ci-dessous des extraits de transcription (et non l’image, délibérément) pour illustrer :
- trois « types » de contributions représentatifs de la plus grande partie des 239 contributions de l’échantillon, à savoir les listes de revendications (environ la moitié du corpus), les analyses et propositions (assez longue, entre 30 et 40), et les contributions plus personnelles (plutôt courtes, entre 60 et 70) ;
- mais aussi : le destinataire des contributions, le ton des contributions ;
- et enfin le décompte de certaines revendications et de certains mots.
Les remarques formulées dans les précédents billets sur le profil des contributeurs (identification, sexe, âge, profession) ou la façon dont ils signent ne sont pas reprises ici mais restent valables sur l’échantillon.
Listes énumérant des revendications
Les cinq contributions ci-après sont reprises dans leur intégralité (on peut donc y voir l’ordre d’apparition et l’ensemble de revendications d’un même contributeur, informations éludées là encore par le traitement national des cahiers en 2019) :
– Suppression de la taxe d’habitation.
– Suppression de la CSG.
– Revalorisation des retraites.
– Rétablir l’impôt sur la fortune.
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Améliorer les services publics :
Il est inadmissible d’attendre une semaine pour 1 rendez-vous chez son médecin ; attendre plusieurs mois pour voir un cardiologue ou un oculiste…
Prévoir des aides pour les personnes âgées qui n’ont pas Internet.
Il serait bon de baisser les salaires des présidents et ministres.
Il faudrait augmenter les postes de gendarmerie pour sécuriser nos campagnes.
Les retraités se sentent oubliés alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie.
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Réduire les charges sociales des entreprises de moins de 10 salariés.
Réduire les dépenses au plus haut sommet de l’État avec de nombreux gaspillages.
Retour de l’ISF.
Seule la TVA est un impôt juste, l’augmenter afin de retirer les charges patronales bien trop chères.
Renforcer les contrôles Sécurité sociale et CAF pour renforcer le retour à l’emploi.
Mettre en place le RIC afin que chacun puisse prendre part aux décisions importantes.
Reprendre le contrôle des autoroutes qui ont été financées par les Français et très rentables aujourd’hui.
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Je souhaite :
Le Référendum Initiative Citoyenne (RIC).
L’impôt sur la fortune ISF.
Le retrait de la CSG sur les pensions de retraite.
La révision de la convention [sic]. Réguler les indemnités des présidents-ministres, collaborateurs et députés et sénateurs.
Plus d’indemnités pour les présidents en retraite ainsi que les ministres, députés et sénateurs.
Réguler l’essence sur les taxes et non le prix du brut.
Augmenter le SMIC pour un salaire net à 1500 €.
Améliorer l’accueil et la fin de vie de nos aînés.
Augmenter le nombre de soignants pour les personnes âgées.
Zéro SDF.
Impôt sur le revenu davantage progressif (plus de tranches).
Que les gros groupes (MacDo, Google, Amazon, Carrefour…) payent gros et que les petits artisans payent petit.
Le système de retraite doit demeurer solidaire et donc socialisé (pas de retraite à points).
Pas de retraite en dessus de 1200 €.
Protéger l’industrie française ; interdire les délocalisations.
Fin du travail détaché.
Limiter les CDD et plus de CDI.
Salaire de tous les Français ainsi que les retraites doivent être indexés à l’inflation.
Que les emplois soient créés pour les chômeurs.
Vivre en France pour l’intégration implique à un étranger de suivre des cours de français, cours d’histoire de la France et cours d’éducation civique avec une certification à la fin du parcours.
Même système de sécurité social pour tous
Tout représentant élu aura le droit au salaire médian. Ses frais de transport seront surveillés et remboursés s’ils sont justifiés.
Moyens conséquents accordés à la juste, police, et à la gendarmerie, et aussi l’armée.
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1) Augmentation du SMIG de 15 %.
2) Augmentation des salaires inférieurs à 2000 € de 10 %.
3) Indexation de retraites sur l’inflation.
4) RIP.
5) Dissolution des « commissions Théodule ».
6) Suppression du Sénat.
7) Limitation des revenus des hauts fonctionnaires.
8) Diminution des revenus des ministres, parlementaires, élus divers, à l’exclusion des maires.
9) Reconnaissance du vote blanc.
10) Proportionnelle.
11) Une justice équitable entre les nantis et le reste de la population.
Analyses et propositions
Une quarantaine de contributions (les plus longues en général) analysent la situation sociale, argumentent sur les différents thèmes du Grand débat, ou d’autres, et font des propositions, plus ou moins étayées. Extraits :
Depuis l’arrivée au pouvoir du président de la République Emmanuel Macron, que voyons-nous ? Des cadeaux fiscaux pour les plus riches : suppression de l’ISF, flat tax, réforme de l’exit tax et des milliards distribués aux entreprises sans aucune contrepartie. Et pour nous autres, qui peinons à vivre dignement de notre travail ou de notre retraite ?
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Est-il normal que des citoyens ne puissent vivre correctement du fruit de leur travail ? Des salariés en C.D.I. (et encore ils ont un contrat) ne peuvent parfois pas se loger tant exorbitants sont les loyers, et en nombre insuffisant. Est-il normal que certaines villes préfèrent payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux (honte à eux). Est-il normal que nos agriculteurs ou producteurs vendent à perte leurs produits ? Et ne puissent vivre de leur labeur ?
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Créer un ISF vert. En matière d’émission de gaz à effet de serre, les plus riches, par leur style de vie, par les produits et services qu’ils consomment, produisent un impact climatique considérable, chacun émettant en moyenne 17 fois plus qu’un citoyen lambda. Imposons-les !
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Un sujet de mécontentement majeur : les déplacements. En zone rurale ou dite « d’habitat dispersé », la dépendance à la voiture individuelle est un fait indéniable et qui conditionne inévitablement l’organisation socio-économique. Et pourtant il avait bien été question d’appréhender cette évolution lors de la création des SCoT (Schémas de Cohérence Territoriale).
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La France vit au-dessus de ses moyens (beaucoup de Français également) (dette colossale) donc il faut faire des économies. Moins d’impôt c’est aussi moins de services publics ; diminuer les services publics, c’est moins de personnes instruites, moins de personnes soignées, moins de sécurité et c’est plus de fraude, davantage de corruption.
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En 2018 les taxes sur les salaires – c’est-à-dire sur les salariés – sont à un niveau trop élevé, ruinant la compétitivité des entreprises françaises face à la main d’œuvre étrangère, entrainant un chômage insupportable pour notre société, et ne permettent pas à certaine catégorie de « boucler les fins de mois » de façon sereine. D’où le ras-le-bol des citoyens qui n’en peuvent plus des taxes !
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Faire une réforme fiscale de grande ampleur (379 impôts, taxes et prélèvement sociaux). Privilégier les impôts automatisés (supprimer l’impôt sur le revenu et ses niches fiscales pour le remplacer par un prélèvement à la source (sept tranches de 2 à 14 %) en fonction du niveau de revenu.
Instaurer 4 taux de TVA en fonction de la nécessité pour vivre des produits, et de leur impact sur l’environnement, ou de leur capacité à créer de l’emploi en France. Ex : TVA 1 % (médicaments, alimentation, produits de 1ère nécessité, véhicule électrique), TVA 10 % (journaux, TVA sur les travaux publics, rénovation, bricolage, billet de train, téléphone), TVA 20 % (voiture, télévision, etc.), TVA 30 % (pesticides, essence, tabac).
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Les médias nous racontent, sans interruption, que nous sommes endettés, mais la dette est voulue, disait Michel Rocard, elle est organisée. Aujourd’hui, les pays empruntent aux banques dont les financiers sont actionnaires ??? Que l’État emprunte à cette banque de France à 0 % comme c’était, plutôt que la banque européenne prête aux banques, et que les banques (les financiers) prêtent à l’État à un taux variable. Une grande partie de la dette est là.
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Transition énergétique. Pourquoi supprimer seulement les véhicules diesels moins polluants en CO2 que les essences, et aujourd’hui à faible émission de particules fines liées au filtre à l’échappement ? D’autre part, personne ne supprime les avions et camions, gros pollueurs. Enfin pourquoi avoir mis en concurrence les bus aux trains ?… Ces bus sont diesel !
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Fracture numérique. Diagonale du vide et lien social. On est dans un monde qui change. Les campagnes se désertifient, le numérique prend de plus en plus de place. Des services, des écoles, des commerces, des hôpitaux, des tribunaux ferment. Des villes et des villages meurent. La désindustrialisation a généré la perte de millions d’emplois. On estime à 22 millions le nombre de personnes qui vivent dans un « no man’s land » et qui donc doivent se déplacer (pollution et coût) et à 13 millions les personnes qui n’ont pas accès au numérique, ou avec difficulté. Ceux qu’on nomme « les oubliés ». Ça fait du monde !
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Pour le glyphosate, il serait peut-être plus logique de réglementer son utilisation plutôt que de l’interdire complètement. En effet, il n’a jamais été retrouvé de traces de ce produit dans les récoltes quand cet herbicide était employé AVANT semis de la culture. C’est là qu’il est le plus utile et présente aucun risque. Il est peut-être nécessaire de limiter son utilisation uniquement dans ce cas.
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Je n’ai pas fait l’ENA, juste mon certificat d’études, mais à la place de vos conseillers, je vous aurais encouragé à « décréter » le minimum vieillesse à 1000 euros, l’allocation handicapé à 1200 euros et le rétablissement de l’ISF et vous n’aviez plus de Gilets jaunes pacifistes dans les ronds-points.
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On achète une multitude de produits chinois qui sont moins chers car la main-d’œuvre de ce pays a un prix horaire très bas. Ne serait-il pas possible de créer un peu partout en France de nombreuses entreprises locales pour fabriquer ces produits en employant quelques heures par semaine (une dizaine) les personnes qui reçoivent des indemnités de chômage (on pourrait leur donner une prime qui améliorerait leur quotidien). Cela permettrait de produire à un prix équivalent à la Chine. D’autre part, ces personnes garderaient un contact avec une entreprise. Elles se sentiraient valorisées et (si on croit l’article du journal « Sud-Ouest » de ce jour), cela aurait un impact positif sur leur santé et même sur leur amour-propre. En plus, cela diminuerait le déficit énorme de notre balance extérieure.
Contributions plus personnelles
Un bon nombre de personnes apportent un témoignage de vie ou formule des demandes plus personnelles, ou plus locales. Illustration avec les passages suivants :
En ce qui me concerne, je suis retraitée. Ma retraite a augmenté de 1.10, le pain mensuel de 2.40 (la mutuelle, les assurances, etc.). Conclusion ?
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Transports et soins. Hôpital de Rochefort ou Royan : 65 km env. Aller pour opérations, spécialistes, ou radio scanner, IRM ou autres ; ces frais de transports qui grèvent le budget. Pas de transports pour joindre ses hôpitaux, il n’y a que la voiture. Si vous n’avez pas de voiture, de permis ou pour les personnes âgées qui ne conduisent plus, il reste les taxis ; mais qui peut se payer de telles sommes, et j’en passe.
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Serait-il possible que les femmes seules ayant un enfant malade ou handicapé puissent bénéficier de l’accès à l’emploi sans être obligées de vivre qu’avec des aides parce qu’elles doivent gérer le planning des RDVs de leur(s) enfants(s) ?
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Je suis retraitée, veuve, 82 ans, avec une petite retraite de 980 euros par mois. Déclaré impôts : 10 578 euros. Revenu imposable : 8128 euros. J’ai été obligée de vendre un petit appartement…
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Quant à la formation, les programmes sont inadaptés à la réalité en entreprise. Quand vous questionnez un prof, il vous dit que les programmes viennent « d’en haut ». J’ai envoyé mon salarié – susceptible de reprendre l’entreprise – à une formation obligatoire et la seule chose que les participants ont retenue, c’est qu’il valait mieux rester salarié que s’engager dans la reprise ou création d’entreprise.
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Je vous interpelle concernant les successions et notamment les frais. Je trouve incohérent…
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Monsieur Macron, Arrêtez de nous dire des bêtises, car les prothèses auditives, dentaires et les lunettes, tout cela devait être remboursé intégralement en 2020. Maintenant, la date est en 2021 et pas remboursé entièrement. Alors, attendez-vous à plus de manifestations de la part des Gilets jaunes et des retraités, et sûrement des autres professions, car tout le monde en a ras-le-bol. Notre pouvoir d’achat diminue fortement.
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Je ne suis pas « gilet jaune », néanmoins j’ai peine à croire que deux petits fonctionnaires fassent partie des 20 % les plus « riches » et passent à côté des avantages fiscaux par un dépassement de tranche de 300 à 400 €. (CSG et taxe d’habitation). La fiscalité n’est pas juste.
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Pourquoi donne-t-on la prime de Noël à des couples sans enfants, alors que les cadeaux de Noël sont principalement pour les enfants ? J’ai deux filles et j’ai de grandes difficultés pour leur faire des cadeaux qui ne grèvent pas de manière importante mes différents budgets, et notamment celui des charges.
Le président interpellé
Parmi les 239 contributions, 30 indiquent un destinataire : on trouve :
2 contributions adressées au gouvernement »
1 « lettre aux élus »
1 lettre au Premier ministre
5 contributions adressées à M. le maire (dont 1 lettre-type de l’association pour le droit de mourir dans la dignité, ADMD)
1 à « Monsieur le président, Monsieur le maire »
et 20 adressées à « Monsieur le président de la République », « Monsieur le président » ou « Monsieur Macron », voire simplement « Macron ».
Aucune contribution n’est adressée à un parlementaire bien que la majorité des couvertures des cahiers reprennent la formule sous-titre proposée par l’association des maires de France (AMF) : « Ce document sera transmis aux préfets et aux parlementaires ». Le glissement est significatif. Le parlement restera dans son ensemble à l’écart du Grand débat.
Le ton des contributions
Indépendamment des thèmes de revendications, le ton adopté par les personnes qui s’expriment est très révélateur de l’état de l’opinion, de la colère (fréquente) à la déférence envers les autorités (plus rare), de la déception à l’espérance de plus de justice sociale. Une réalité qui a été laissée de côté par le traitement du Grand débat national. Extraits :
Cesser de mépriser 70 % de la population et de les considérer comme des imbéciles.
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Notre hymne national n’est plus adapté. « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » : nous ne sommes pas en guerre. Pourquoi ne pas le remplacer par des paroles qui expriment la paix ?
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Je ne me reconnais d’aucun parti ! Tous ont de bonnes ou mauvaises idées mais tous négligent le progrès social ! Ils visent à l’Élysée et c’est tout. – C’est dommage qu’une aussi grande intelligence ne permette pas d’être conscient des réalités.
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Les retraités se sentent oubliés alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie.
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Monsieur le Président, 1ère doléance : le respect. Respect que nous vous devons incontestablement. Respect que toute la gent politique doit à tous les Français et autres, qu’ils soient riches, instruits, cancres, hères et pauvres diables et Gilets jaunes… Certains députés, conseillers, etc. ont des propos, des qualificatifs qui ne font qu’accroître la colère du peuple et à mobiliser un peu plus le mouvement des Gilets jaunes que je soutiens.
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Comme le veut l’usage, je vous salue, Monsieur le Président, bien respectueusement.
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Arrêt des taxes sur les carburants.
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Ce serait bien de baisser les carburants.
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Monsieur le Président, merci de reformer la France mais allez plus vite. Redressez la France, c’est votre devoir.
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Étant citoyen du peuple français accomplissant son devoir d’électeur, je vous remercie d’adresser mes doléances au gouvernement actuel qui méprise une certaine classe de son peuple.
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Penser aux retraités qui voient fondre leurs revenus serait bien après les années de travail, et pas aux 35 H ! Merci.
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Le petit peuple en a assez d’être « la vache à lait » de certains, toujours plus de taxes pour combler des déficits engagés et qui profitent toujours qu’à un petit nombre, ou régler les âneries faites par d’autres.
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Ce que j’aimerais, c’est avant tout plus de justice sociale, une meilleure répartition des richesses. « Tous à la peine, tous à la fête ».
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Une répartition plus égalitaire de la fiscalité (il est possible de demander un peu plus à ceux qui ont plus, au nom de la solidarité).
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Serait-il possible de savoir le nombre de Gilets jaunes qui ont voté pour les présidentielles car pour donner son avis il faut absolument voter. Sinon on se tait.
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Moi, je suis jeune retraité. J’ai travaillé 45 ans et ma retraite est au plus bas, alors arrête, Macron, de te servir des pauvres pour enrichir tes riches.
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Mr Macron, ayez SVP l’intelligence du coeur [dessin d’un coeur] et non celle due à vos études que l’on nomme d’ailleurs non pas intelligence mais instruction. Merci. Donc pas d’augmentation de la CSG ; revalorisation des retraites plus fréquemment.
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Le peuple ne vit plus mais survit. On n’a plus de pouvoir d’achat, les riches accumulent notre richesse ! Honteux !
Les mots
L’exploitation des revendications requiert des outils et des méthodes appropriées (traitements algorithmiques, lexicométriques, textométriques). Mon propos est simplement d’illustrer ici la diversité voire la dissémination des propos et des mots dans ce corpus citoyen. En effet, au moins dans cet échantillon, les revendications les plus fréquentes n’apparaissent guère dans plus de 25 % des 239 contributions. Ainsi :
- le rétablissement de l’ISF est demandé dans 65 contributions (27 %, chiffre qui fait écho à la synthèse du cabinet Roland Berger et consorts qui fait état d’un consensus de près de 20 % de personnes sur ce point)
- la suppression ou diminution de la CSG sur les retraites figure dans 51 contributions
- le RIC (référendum d’initiative citoyenne) est cité dans 40 contributions (dont 2 fois pour le rejeter ou l’encadrer)
- l’indexation des retraites sur le coût de la vie est citée dans 31 contributions
- la reconnaissance ou prise en compte du vote blanc est demandée 25 fois
- la demande de diminution du nombre de députés (et sénateurs) apparaît dans 24 contributions
- le retour aux 90 km/h est demandé 17 fois
- la diminution ou suppression des avantages des anciens présidents apparaît 13 fois
- la demande de taxation des GAFA revient 11 fois
Les comptages rapides de mots mettent en évidence la grande diversité des sujets. Dans cet échantillon, on relève à titre d’illustration pour les mots suivants :
- retraite : 160 occurrences dans 103 contributions distinctes
- impôt : 81 occurrences
- fiscal : 74 occurrences
- justice : 44 occurrences
- l’expression « pouvoir d’achat » apparaît dans 41 contributions
- gilet(s) jaune(s) : 27 occurrences (surtout signature ou soutien, mais aussi simple mention dont deux négatives)
- migrants/immigrés/immigration : 23 contributions demandent de la stopper ou de la réguler, et 3 contributions demandent plus d’accueil pour les étrangers
- médecin : 16 occurrences en 10 contributions
- planète : 8 occurrences (préserver la planète pour nos enfants)
- le glyphosate est cité 5 fois (3 demandes d’interdiction, 2 argumentations)
- le réchauffement climatique est cité 2 fois.
De l’échantillon à la totalité
Le traitement manuel de cet échantillon (0,1 % de l’ensemble des contributions) laisse voir la taille et la nature de l’opération pour réussir la mise en ligne des quelque 20 000 cahiers, en évitant de reproduire les erreurs du traitement de 2019 ou de buter sur de nouveaux écueils.
La première des erreurs est de ne pas anticiper. Dans le documentaire sur les cahiers de doléances d’Hélène Desplanques, Gilles Proriol, un des experts de l’analyse sémantique qui a traité le matériau du Grand débat national, dit que le gouvernement avait anticipé ce qui se passerait sur la plateforme Internet mais pas du tout la façon de traiter les cahiers… (ce n’est pas comme dans la fameuse émission de télé où, quand on ne sait pas, on appelle un ami qui sait, il y en a…).
Il est impératif d’adopter des règles de transcription et de mise en page homogènes, faute de quoi on générera des inégalités dommageables, par exemple une gestion hétérogène des données à caractère personnel (contrevenance aux décisions des autorités administratives actuelles, mécontentement potentiel des intéressés, etc.), ou encore des partis pris de présentation qui donneraient l’impression que certaines communes sont plus importantes que d’autres (qualité des images, numérotation et identification de chaque contribution versus transcription bout à bout sans possibilité d’indexation). À voir dans quelle mesure les photos des pages de cahiers et les transcriptions existantes, notamment celles réalisées pour le compte de la mission du Grand débat et aujourd’hui conservés aux Archives nationales, peuvent être réutilisées.
Il convient de réfléchir à la granularité des objets documentaires gérés (c’est encore de l’anticipation). Manifestement le site Rendez les doléances a zappé cette étape : on y trouve des images de morceaux de cahiers, des cahiers entiers sans métadonnées et aussi un énorme fichier PDF de 1,1 Go, comportant 1300 images bout à bout, sans aucune structure interne pour faciliter la navigation (cahiers de la Somme). Pourtant, la première page est attractive avec une carte de France montrant les départements pour lesquels le site propose un contenu. C’est après que ça se gâte. Forcément, c’est un métier…
Privilégier un grain d’information (cahier, contribution, voire « l’idée » ou la « proposition » soit pratiquement chaque paragraphe) ne veut pas dire qu’il faut ignorer les autres. Au contraire, il faut préserver les liens entre commune et département (voir circonscription car on dénote des différences d’intervention d’une sous-préfecture à l’autre dans la collecte des cahiers), mais aussi préserver les liens entre contribution et commune car ce point a été balayé d’un revers de main en 2019 : non seulement, on a ignoré le lien entre les différentes contributions d’un même cahier mais aussi le lien entre les différentes idées ou propositions d’une même contribution. Dommage, très dommage. Et il faut tenir compte aussi, le cas échéant, de la multiplicité des cahiers dans une même commune, des originaux perdus, des copies perdues. Il convient également d’identifier le meilleur traitement pour les questionnaires dont les cases ont été cochées par les contributeurs ou complétées manuscritement. Et décider de ce qu’on fait des documents autres que des contributions insérés dans les cahiers. Etc. Etc. Bref, c’est un métier…
Si la question de la représentativité des contributions mises en ligne se pose, ce n’est par en termes de représentativité des contributions par rapport à la population française (cela relève de la compétence des sondeurs), mais en termes de représentativité des contributions mises en ligne par rapport aux contributions existantes, c’est-à-dire à l’exhaustivité des cahiers conservés aujourd’hui (certains ont disparu, on les verra peut-être ressortir sur e-bay ou son équivalent dans quelques dizaines d’années, ou avant…). Or, les caractéristiques des cahiers et leur grande disparité rendent difficile l’application de critères de sélection objectifs. Ce qui milite effectivement pour une mise en ligne intégrale.
Si on veut vraiment faire bien les choses, il serait judicieux de mettre en ligne en même temps les comptes rendus des réunions d’initiative locale (RIL) qui sont les véritables héritiers des cahiers de doléances de 1789, documents collectifs et non individuels (on ne le dit pas assez). Il a été produit près de 10 000 de ces documents collectifs, eux aussi très hétérogènes ; pour la Charente-Maritime, il en existe une centaine et il est intéressant de remarquer que certains comptes rendus correspondent à des communes pour lesquelles le cahier citoyen est vierge (exemple Brizambourg) ; pour les communes disposant à la fois d’un cahier et d’un ou plusieurs comptes rendus de réunions locales, la comparaison est intéressante (Fouras, Meschers-sur-Gironde, etc. et surtout La Rochelle où se sont tenues plusieurs réunions). Ces comptes rendus, postés sur la plateforme du Grand débat national étaient accessibles en un clic pendant quatre ans (qui les a consultés ?…) ; ils sont aujourd’hui conservés aux Archives nationales et un peu moins facilement accessibles mais accessibles quand même (qui les a consultés ?).
Enfin, il faut choisir et dimensionner dès le départ l’outil de mise en ligne avec un cahier des charges fonctionnel qui permettent a minima trois utilisations :
- la production automatisée de cartographies et infographie ;
- l’analyse par des chercheurs de toutes disciplines, notamment pour approfondir les thématiques abordées par les citoyens et leurs propositions, pour analyser l’expression populaire avec une approche sociologique ou linguistique, ou pour étudier les caractéristiques du document papier dans la vie publique et administrative actuelle (c’est mon sujet et c’est ce qui m’a fait m’intéresser aux cahiers) ;
- la consultation par le grand public, notamment ceux et celles qui ont contribué aux cahiers mais aussi d’autres acteurs, par exemple les enseignants car les cahiers sont aussi un excellent support pour l’enseignement du débat démocratique, avec ses atouts et ses faiblesses.
Et puis, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’archives (ces « vieux papiers » ou ce « trésor national » selon l’humeur du jour… ) qu’il faut négliger la gestion de projet, le financement, l’organisation, les points de contrôle, l’évaluation. Si on veut aller au bout du projet, il faut travailler rigoureusement.
Ah, j’oubliais : bien sûr qu’il faut recourir à l’intelligence artificielle pour une telle masse de données. Ce n’est pas parce que l’usage qui en a été fait en 2019 est partiel et décevant qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Le traitement manuel des 20 000 cahiers est d’un autre âge. Le problème n’est pas la technologie…
Deux commentaires :
- Tout de même, alors que les médias évoquent régulièrement les prouesses de l’IA pour le déchiffrement des parchemins et papyrus de l’Antiquité, par exemple pour les rouleaux carbonisés d’Herculanum, même si ce déchiffrement ne porte que sur une petite partie du document, on peut s’étonner de ne pas trouver aujourd’hui une IA qui sache lire le français de 2018…
- Je rêve d’une IA qui pourrait véritablement traiter l’ensemble des cahiers : contenu ET forme, c’est-à-dire des algorithmes qui prennent en compte non seulement les mots et les phrases, mais aussi le contexte (les contextes) de production des cahiers et des contributions, le profil des contributeurs, la mise en forme, le style, la date et tous ces riches caractères externes et internes (pour reprendre les mots de la diplomatique). Je veux croire que mon travail pourrait positivement entraîner la machine.