Une des données secondaires et peu commentées des scrutins des dernières semaine est le nombre et le pourcentage de votes blancs. Un sujet très présent dans les cahiers de doléances de 2019.
Aux Européennes du 9 juin 2024, on dénombre : 48,51% d’abstentions, 346 240 bulletins blancs (0,70 % des inscrits, 1,36 % des votants) ; seules dix des trente-huit listes en présence ont fait mieux en nombre de voix…
Au 1er tour des législatives (30 juin 2024) : 33,29 % d’abstentions, 582 471 bulletins blancs (1,18 % des inscrits et 1,77 % des votants) ; c’est plus du double de bulletins nuls (268 140).
Au 2e tour des législatives (7 juillet 2024) : 33,37 % d’abstentions, 1 193 011 bulletins blancs (2,75 % des inscrits, 4,13 % des votants) et pratiquement le triple des bulletins nuls (395 302).
Pour les législatives de 2022, on avait dénombré au second tour : 53,77 % d’abstentions et 1 239 928 bulletins blancs (2,55 % des inscrits, 5,52 % des votants). Au 2e tour des législatives de 2017, quelques mois avant le début du mouvement des « Gilets jaunes », c’était encore plus : 1 409 784 bulletins blancs (2,98 % des inscrits, 6,99 % des votants).
Les bulletins blancs sont décomptés à part depuis la loi du 21 février 2014 ; ils sont donc distingués des bulletins nuls mais n’entrent pas dans les « suffrages exprimés », le risque étant qu’il n’y ait aucun élu et qu’il faille revoter.
Revoter ? Pourquoi pas, estiment un certain nombre de citoyens et citoyennes.
La reconnaissance du vote blanc est en effet une des principales revendications des cahiers de doléances / cahiers citoyens de 2018-2019 (du moins pour les cahiers du département de Charente-Maritime), après le rétablissement de l’ISF, la suppression de la hausse de la CSG, la mise en place du RIC et l’indexation des retraites sur le coût de la vie.
Cette revendication apparaît dans plusieurs listes de revendications des « Gilets jaunes » et l’Association des maires de Charente-Maritime la reprend à son compte mi-décembre 2018 dans sa « motion de soutien à l’action dite des « Gilets jaunes » ». Le sujet est présent à son tour dans le questionnaire du « Grand débat national » dont les questions figurent dans la « Lettre aux Français » du président de la République le 13 janvier 2019 : dans la rubrique introduite par la phrase « Enfin, il est évident que la période que notre pays traverse montre qu’il nous faut redonner plus de force à la démocratie et la citoyenneté », la première question est : « Faut-il reconnaître le vote blanc ? Faut-il rendre le vote obligatoire ? ».
Sous la plume des contributeurs aux cahiers de doléances, la reconnaissance du vote blanc apparaît le plus souvent dans une liste de revendications brèves et récurrentes. Sur le sujet électoral, elle est fréquemment associée au vote obligatoire (comme dans le questionnaire officiel, mais le vote obligatoire est aussi évoqué sans le vote blanc) ; elle est liée également à une demande de diminution du nombre de députés (et de sénateurs), et à l’instauration d’une part de proportionnelle (cette dernière étant évoquée dans la lettre du président, pour les élections législatives, mais pas dans les listes « Gilets jaunes »).
Extraits des cahiers de Charente-Maritime (entre parenthèses, le numéro de la commune figurant dans la cotation des cahiers aux Archives départementales, suivi du n° d’ordre de la contribution dans le cahier) :
« Monsieur le président de la République,
Le vote blanc sera-t-il pris en compte comme vous l’avez évoqué dans votre allocution du 11/12/2018 ? Cela nous semble indispensable. » (218/22)
« Institution de la proportionnelle, prise en compte du vote blanc avec annulation du scrutin au-delà d’un seuil déterminé. » (249/6)
« Prise en compte du vote blanc et annulation de l’élection si majoritaire. » (278/1)
« Mettre lors des diverses élections le vote blanc, car cela changerait la donne… » (399/5)
« Invalidation des élections si le quorum n’est pas obtenu et reconnaissance du vote blanc qui doit être comptabilité en tant que vote d’opinion. » (409/4)
« Reconnaissance du vote blanc lors des élections. Si le taux est > 25 % : remise en cause et réélection. » (192/2)
« Reconnaître le vote blanc pour toutes les élections. Si supérieur à 50 %, nouvelle élection. » (387/26)
« Le vote blanc est bien sûr à prendre en compte et évitera probablement les abstentions ; et si le vote blanc est majoritaire, il conviendra d’annuler l’élection en interdisant aux candidats battus de se représenter dans les cinq ans. » (300/7)
« Comptage des votes blancs lors des différentes élections. En effet, les dernières élections présidentielles nous ont mis en place un président représentant actuellement 20 % des citoyens du pays : 60 % d’abstentions, signe que les citoyens ne font plus du tout confiances aux politiques proposées ; 10 % de votes nuls + 10 % de votes blancs, il reste alors 20 %. Comment peut-on se considérer élu à l’unanimité quand 80 % du peuple ne se prononce pas favorable aux candidats proposés. » (338/40)
« Je ne me reconnais d’aucun parti ! Tous ont de bonnes ou mauvaises idées mais tous négligent le progrès social ! Ils visent à l’Élysée et c’est tout. – C’est dommage qu’une aussi grande intelligence ne permette pas d’être conscient des réalités.
C’est pourquoi il faut prendre en compte les votes blancs : en majorité, ils pousseraient les partis à réétudier leurs listes ou leurs projets. » (287/97)
« En analysant le bilan des dernières élections nationales, quand on retire ceux qui ne veulent plus voter, ceux qui votent blanc et qui ne sont pas reconnus, les voies éparpillées dans les différentes candidatures dites d’opposition, quel pourcentage réel pour l’heureux élu ? On n’en parle pas. On affirme juste son autorité même si sa profession de foi est bafouée. » (310/1)
« Tenir compte du vote blanc serait tenir compte tous les votants, même ceux à qui les listes proposées ne correspondent pas. Cela éviterait également beaucoup d’abstentions !… » (387/41)
« Parmi les réformes qu’il faut envisager, il y a celles des élections : comme cela se fait déjà pour les élections municipales, les premiers tours ne doivent pas conduire à un duel aux deuxièmes tours mais seulement à l’élimination des candidats qui n’ont pas atteint le quorum requis. Cela éviterait les abstentions massives que tous déplorent.
Ce modus vivendi convient trop bien à beaucoup mais il amoindrit la légitimité du pouvoir. La reconnaissance éventuelle du vote blanc serait un pas en avant. Il devrait venir renforcer l’importance du quorum pour donner davantage de légitimité aux résultats. » (218/10)
« Tenir compte du vote blanc ; il y aurait plus de personnes qui iraient voter. » (218/42)
« Au niveau des élections. Mise en place d’un pourcentage de proportionnelle. Tenir compte des votes blancs, moyen d’expression du peuple et meilleure connaissance des élus de la réalité de leurs suffrages acquis. » (218/44)
« Rendre le vote obligatoire afin que les citoyens donnent leur avis (on ne peut plus se contenter d’une élection avec un pourcentage de 21 % pour une personnalité sur 40 % de votants).
Réfléchir à annuler une élection si un certain pourcentage n’est pas atteint.
Prendre donc aussi en compte le vote blanc. » (274/7)
« Rendre le vote obligatoire et comptabiliser les bulletins blancs qui signifient que les candidats proposés ne sont pas représentatifs des électeurs ou ne leur conviennent pas. » (423/4)
À suivre.