Le SPAM est une calamité des temps technologiques.

Pourtant, objectivement, si vous voulez gagner facilement beaucoup d’argent et que vous trouvez le loto trop aléatoire, lancez-vous dans le SPAM, le Siphonage des Personnes Âgées Malades, c’est très rentable, et peu risqué.

37-calamiteMode d’emploi : vous épluchez les Pages Blanches ou vous achetez un fichier commercial ; vous appelez les vieilles dames qui perdent la tête ou les vieux messieurs qui mélangent les francs et les euros ; vous les baratinez, sachant que vous vous adressez à des personnes foncièrement honnêtes et confiantes, jusqu’à ce qu’elles disent oui dans le combiné téléphonique, ignorant que vous saurez valoriser ce « oui » en contrat pernicieux ; si la conversation se passe bien, vous obtenez même le numéro de compte de votre interlocuteur, ça peut servir…

Avec plus de 800 000 personnes en France atteintes par la maladie d’Alzheimer, moins x% placé en institutions, moins y% qui malgré tout se méfie des démarcheurs les plus souriants, il reste de la ressource, un marché potentiel. C’est bonnard, Léonard !

Imaginons que vous créez une société de téléphonie que vous appelez Télécom Ltd. Vous partez en campagne où vous jouez facilement de la proximité du nom de votre entreprise avec l’opérateur historique, et vous ramenez une bonne pêche de numéros de compte et de promesses de contrats que l’intéressé n’osera pas ne pas signer quand il le recevra par la Poste avec l’injonction de finaliser la transaction. Et hop, c’est dans la poche. Cool, Raoul !

Ou encore, vous possédez une grosse entreprise de services télévisuels dénommée Entremise Moins. Quand un client âgé, sur le conseil d’un proche attentionné, vous envoie une lettre de résiliation de son abonnement parce qu’il n’utilise plus le service, à réception de la lettre, vous appelez mielleusement ledit client (qui ne se souvient pas de la lettre qu’il a rédigé trois jours plus tôt, c’est ça Alzheimer) et, profitant de l’absence de son entourage formé à la diplomatique et donc rompu à la détection des pièges commerciaux, vous manipulez habilement votre proie jusqu’à ce qu’elle « avoue » que oui, finalement, elle a eu tort de résilier et veut bien continuer son abonnement ; vous enregistrez la conservation de sorte qu’elle vaille contrat, et hop, par ici l’APA (entendez l’Autorisation de Prélèvement Automatique, siphonnée directement depuis l’autre APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie). À l’aise, Blaise !

Bien sûr, l’abus de confiance visant des personnes crédules ne date pas d’aujourd’hui ni même de l’invention du téléphone. Au début du XIXe siècle, le mathématicien Chasles s’est laissé berner en grandes largeurs par le faussaire Vrain-Lucas. Combien de badauds ont acheté pour quelques sous une petite bouteille d’élixir de jouvence de perlin-pimpin à la foire de la saint Martin ? Mais aujourd’hui, compte tenu du chiffre d’affaire à la clé et des méthodes intrusives et mensongères, l’arnaque aux personnes âgées devient un problème de société, une véritable calamité sociale.

Côté pouvoirs publics, certes il y a l’alinéa 4 de l’article 313-2 du code pénal, mais il faut bien reconnaître qu’il est plus facile de verbaliser et de sanctionner l’automobiliste flashé à 51 kilomètres/heure dans la côte du village qu’il connaît par cœur depuis toujours, parce qu’une « commission » a décidé d’y implanter un panneau de limitation de vitesse à 50 km/h et un radar, que les abuseurs de séniors désarmés.

Si on ne peut pas compter sur la répression, il faut accentuer la prévention. Et pour le SPAM, la prévention, c’est l’éducation et la solidarité, mais la solidarité de personnes elles-mêmes formées à critiquer l’information. Or il est facile de constater en parcourant les commentaires des internautes sur les forums et les blogs de consommateurs et d’usagers que la plupart des citoyens sont incapables de critiquer valablement les paroles et les écrits qui les engagent, hélas.

Une suggestion pour lutter contre cette calamité publique : rendre l’enseignement de la diplomatique obligatoire, dès l’école maternelle. Fantastique, Dominique !

3 commentaires

  1. Rendre l’apprentissage de la diplomatique dès la maternelle me paraitrait être une bonne initiative car il permet d’acquérir une chose qui sert tout au long de la vie et à de maintes occasions : l’esprit critique, (je m’appuie pour dire cela sur un autre article de MAC publié dans ce même blog « Peut-on parler de diplomatique numérique ». Exemple : la semaine dernière, je m’apprête à signer un contrat de prêt bancaire. Au moment de mettre mon paraphe, je m’étonne auprès du banquier de voir déjà apposé à la fin du contrat papier la signature du représentant (certainement légal) de l’établissement bancaire (celle-ci n’est pas manuscrite mais c’est une impression de la reproduction numérique de la signature dudit représentant). Je lui demande donc malicieusement : « qu’est-ce qui me prouve que cette signature est authentique? », ce à quoi il me répond : « vous n’avez aucun doute à avoir, cette forme de signature est adossée à une procédure interne qui vous garantit son authenticité. Vous savez dans la banque, on ne peut pas faire n’importe quoi, nous sommes soumis à des règles très strictes ». La réponse me satisfait sur le moment. En effet, je n’ai pas de doute sur le fait qu’un établissement bancaire ait les procédures idoines pour faire en sorte que ces contrats soient des originaux authentiques. Néanmoins, j’aimerais en savoir un peu plus. Quelles peuvent donc être ces procédures ? Que disent-elles ? Appel donc aux plus fins connaisseurs de la banque ou de la diplomatique que moi…

  2. Bonjour,

    « Malicieuse » est le mot juste, vous lire est un plaisir, continuez comme ça, cela prouve que l’on peut-être à la fois « sérieuse » (Nouveau glossaire de l’archivage, vos nombreux écrits professionnels, le Cnam….) et aussi avoir comment dire ? ……un côté un poil « déjanté »

    Cordialement
    Maurice VAN MOLLE

    • Merci de vos propos. Oui, j’assume bien les deux côtés ; mon seul souci est de savoir si c’est le droit ou le gauche qui est déjanté… Je cherche fébrilement la réponse dans les archives… On y trouve tant de choses, j’ai peut-être ma chance 😉

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