Conformité. De quoi ? À quoi ?
Dans conforme, il y a con, et il y a forme.
Con, c’est facile, tout le monde connaît ; ça veut dire… « avec » en latin et c’est le préverbe ou le préfixe de l’accompagnement, du partage : convivial, complice, confédération, convergence…
Forme, c’est une autre paire de manches… C’est très « informe » comme concept : s’agit-il des mensurations ? De l’agencement des composants ? De l’élan (genre « superforme » ?)
Bref, conformité a deux sens. Le premier, un peu désuet, renvoie à l’identité de deux entités indépendantes que l’on compare : dans une paire de manches (voir ci-dessus et ci-dessous), les deux manches peuvent conformes ou pas (ici, oui) :
La comparaison s’applique non seulement à des éléments matériels ou à des objets manufacturés, mais aussi à des idées, aux mœurs… C’est ainsi que dans le grand projet de fédération des États élaboré par Henri IV et Sully il y a quelques siècles (l’idée d’Europe ne date pas d’hier), Sully avait d’abord proposé d’inclure la Russie et ses habitants avant d’y renoncer, à cause, entre autres motifs, « des mille pratiques superstitieuses qui ne leur laissent presque aucune conformité avec nous ». Sic.
Le second sens, plus fréquent aujourd’hui, désigne le respect d’une relation hiérarchique entre deux choses : la seconde se doit d’être en accord avec la première, à laquelle elle se réfère ou à laquelle on la rattache. Ce cas se divise encore en deux « sous-cas » :
- la re-production d’un objet ou d’un document au plus près de l’original : conformité physique d’un vase par rapport à son moule, conformité d’une copie par rapport à l’acte d’origine ;
- la production ou l’existence d’un objet ou d’un document au regard d’un cadre de référence pré-existant ou pré-défini: travaux conformes à la réglementation, construction conforme au plan, loi conforme à la constitution, opération conforme à la procédure, état d’un livre d’occasion conforme à la petite annonce, etc. Il n’y a pas ici de « forme » à proprement parler ; il y a des exigences auxquelles il convient de se soumettre. Le constat de non-conformité, dans ce dernier sens, entraîne en général une action de « mise en conformité ».
Pour revenir aux documents, il est curieux de constater que la « copie certifiée conforme » pratique administrative bien ancrée dans les mœurs s’est émoussée depuis une vingtaine d’années, pour disparaître complètement au tournant du siècle, tandis que la « copie fidèle » a fait son entrée dans le code civil en 1980 et a renforcé son statut avec la loi du 13 mars 2000 sur la reconnaissance de l’écrit électronique.
La conformité serait-elle papière (voire paperassière) et la fidélité numérique ? À suivre…
Tout cela est biblique : faut-il être conforme, ou fidèle, à la lettre (paperassière ?) ou à l’esprit (numérique ??) ? Le XXIème siècle sera donc bien « spirituel » ou ne sera pas !