La cybercriminalité est montrée du doigt, combattue, vilipendée par les autorités comme par la presse. Les sites ne manquent pas qui détaillent les différentes catégories d’infractions, les statistiques réfrigérantes et les actions mises en œuvre pour lui faire échec. Pour équilibrer ce discours trop sombre et uniforme, il convient de prendre en compte aussi l’éloge de la cybercriminalité. Et ce n’est pas absurde car, à y regarder de près et comparée à la criminalité ordinaire, la version numérique offre plus d’un avantage:
- d’abord, la cybercriminalité est une formidable start up; il faut quand même reconnaître ses performances sur le plan économique : le chiffre d’affaires est magnifiquement florissant (plus rentable que le trafic de drogue) et le secteur recrute (sans déclaration de TVA ni charges sociales, d’accord, mais le fisc, de toutes façons, est toujours mécontent !);
- l’activité cybercriminelle est reconnue par beaucoup d’experts comme étant la nouvelle forme de criminalité du XXIe siècle peut-on lire sur Wikipédia; le cybercriminel est moderne et raffiné ; il tient plus d’Arsène Lupin que des « chauffeurs du Nord ». Avouez, Mesdames, que c’est tout de même plus « classe » de se faire torpiller gentiment sa carte bleue à l’insu de son plein gré que de se faire bêtement arracher son sac à main dans un couloir sombre du métro ; et pour vous, Messieurs, il suffit d’évoquer le nom de Lisbeth Salander qui séduit jusqu’aux sénateurs… ;
- il faut souligner également que la cybercriminalité est une activité très populaire : « en France, une victime toutes les 3 secondes ! », soit un million de bénéficiaires chaque année. Qui peut se targuer d’un tel succès?
- parallèlement, la cybercriminalité favorise les échanges inter-gouvernementaux : avec l’abolition des territoires dans le monde numérique, les États sont bien obligés d’organiser la coopération transfrontalière pour coordonner la lutte ; cela passe par des séminaires et des conférences internationales ; grâce à la cybercriminalité, les policiers voyagent !
- la cybercriminalité est même devenue sociale : les pirates travaillent en bande et s’entraident ; leur devise serait presque : « Hackers de tous les réseaux, unissez-vous !
- dans le même ordre d’idée, la cybercriminalité contribue à la culture, par exemple en inspirant les écrivains et les cinéastes dans le registre des cybergendarmes traquant les cybervoleurs ; on sait comment naissent les grandes vocations…
- mais surtout, la cybercriminalité est pédagogique ; à l’heure où les méchantes langues disent qu’on n’apprend plus grand-chose à l’école, on peut apprendre très vite avec la cybercriminalité, dans le respect de l’adage « l’expérience des autres ne profite jamais »; après que quelqu’un est entré dans votre ordinateur sans votre permission et a détruit des contenus, espionné vos données, volé votre identité, vous êtes forcément plus vigilant. Vive la cybercriminalité ! C’est qu’il faut avoir sacrifié au moins une fois au cyberMinotaure, sans quoi on peut passer facilement passer pour un e-plouc dans un e-dîner en ville.
Finalement, il ne manque plus à la cybercriminalité que la consécration publicitaire. On se plaît à imaginer un spot au journal de 20 heures, commenté d’une voix suave et persuasive : « Bientôt la rentrée, avez-vous pensé à vous munir de cyberpréservatifs ? ».
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