De nos jours, c’est principalement la chirurgie qui est ambulatoire : le patient entre à l’hôpital le matin et en ressort le soir, après une opération rondement menée. Il peut s’agir des varices, de la cataracte ou de la réparation des affections de la main. Ce système évite des frais de séjour et donc des dépenses supplémentaires à la Sécu qui en a carrément besoin.
Voilà donc un adjectif qui a pris du galon car il était jusque là d’usage assez limité, vieilli ou technique. Cette expression de chirurgie ambulatoire est du reste curieuse car ambulatoire indique un déplacement, un mouvement, une promenade ; or, ce n’est pas le chirurgien qui se promène mais l’inverse : c’est le malade qui déambule aller-retour de son domicile au bloc. Ainsi va la langue…
Il y a bien d’autres activités qui sont véritablement ambulatoires, qui s’effectuent selon un principe de déplacement, de promenade voire de déambulation sérendipitique. C’est ce que j’ai pensé quand Aref JDEY m’a invitée à découvrir son projet Outside of the Darkness, une sorte de photographie ambulatoire.
Il s’agit d’une collection de clichés noir et blanc réalisés au cours de déambulations dans Paris pendant plusieurs années, tentant de capter, dans les expressions des personnes rencontrées, des réponses à la question fondamentale du rapport de l’être humain au temps : comment les humains se soumettent, résistent ou tentent d’échapper à l’accélération du temps, à cette urgence permanente qui caractérise la société d’aujourd’hui ?
Le projet comporte plus spécialement une série de photographies intitulée Subway Hands qui saisit les mains de passagers du métro parisien. Aref commente ainsi son choix : « Une tentative de réponse à la question que je me pose souvent quand je prends le métro : jusqu’où est-il possible de deviner et connaître l’état d’âme d’un passager, son état d’esprit, son histoire ou encore son expérience, rien qu’en observant ses mains ? ».
Rendez-vous sur le site du projet, visitez l’exposition, soutenez le projet de votre obole, il le mérite.
C’est une invitation à étudier les mains, celles qui ne sont pas enfouies dans une poche, cachées sous un gant, figées dans la posture SMS ou scotchées à l’écran Candy Crush. Les mains – atteintes ou non de rhizarthrose (dans ce cas, confère la chirurgie ci-dessus) – lorsqu’elles déambulent le long des jambes ou autour des genoux, traduisent, et parfois trahissent, bien des pensées, peut-être plus que les lettres qu’elles ont écrites…
Une bonne occasion de se dire qu’il faut prêter davantage d’attention aux mains des autres, au temps qui les façonne, au temps tout court, au temps qui court et qu’on ne peut arrêter mais qui irait peut-être moins vite si on le regardait de plus près au lieu d’essayer de courir encore plus vite !