Je n’aime pas le Petit Larousse. Je ne l’ai jamais aimé.
Il y en avait un chez moi, comme dans la grande majorité des foyers, un Petit Larousse illustré, avec sa reliure déglinguée à force d’être manipulée par tout le monde, et ses pages roses ornées de citations latines qui vont rêver (soit parce qu’on médite sur leur portée philosophique, soit parce qu’on ne les comprend pas et qu’on imagine des choses…).
La collégienne que j’ai été est restée plusieurs fois dubitative devant le peu d’explications que procurait le dictionnaire, créant déception et frustration. Le summum est un traumatisme subi à l’adolescence en consultant le dictionnaire pour accroître mes connaissances zoologiques ; je revois encore les deux définitions : « Merle : espèce de grive », « Grive : espèce de merle ». Boum !
Je croyais alors que le dictionnaire était un outil pour s’instruire, un lieu de promenade intellectuelle où l’on sautille d’un mot à l’autre, où l’on gambade dans une prairie de mots connus et inconnus comme des herbes folles ou familières… J’en ai conçu une certaine détestation de l’ouvrage et un soupçon à l’encontre des éditions Larousse, celui de s’occuper des mots pour les mots eux-mêmes, piètre objectif, et non pour la connaissance ou l’éducation. Je précise que ceci ne vaut pas pour le Grand Larousse du XXe siècle en vingt volumes dont je me suis au contraire longtemps délectée. La qualité d’un dictionnaire n’est pas une affaire de nombre de pages ou de volumes ; c’est une affaire d’état d’esprit.
J’avais quasiment oublié le Larousse (il y a prescription) quand une notification du Monde (quotidien auquel je suis abonnée) rappelle tout cela à ma mémoire et…. en rajoute une couche. Pour commenter la sortie fin mai de l’édition 2016 du dictionnaire et illustrer l’introduction de nouveaux mots dans l’ouvrage dit de référence, le journal propose un quiz intitulé « Maîtrisez-vous le vocabulaire du XXIe siècle ? » (édition du 20 mai). J’avoue ne pas avoir trouvé en ligne qui avait concocté ce quiz, de la journaliste Mathilde Damgé, d’Elisa Perrigueur, de l’équipe Larousse ou d’un quatrième larron, petit problème de traçabilité, mais ce n’est pas le sujet.
Par esprit de veille sur la langue française, et par curiosité pour les quizz puisque j’en ai concocté quelques-uns pour le MOOC « Bien archiver : la réponse au désordre numérique », je vais voir. Il y a là dix mots : mouillasser, rioule, mobbing, akathisie, bolos, nomophobe, bardasser, tchouler, bobologie, zaraguina. Pour chaque mot, trois définitions au choix.
Je ne connais ni utilise aucun de ces mots ! Déprime. Je ne maîtrise pas le vocabulaire du XXIe siècle ! Je suis foutue, complètement out, ringardisée puisque la réalité quotidienne du langage m’est étrangère.
Allons ! Hauts les cœurs ! Il faut résister, ne pas subir, aurait dit le maréchal de Lattre de Tassigny. Bon. Je respire et me lance courageusement à l’assaut du quiz. Bien m’en prend car je m’en tire honorablement grâce au pur hasard et un peu à ma connaissance du grec et du latin (vu les temps qui courent, quelle chance j’ai eu d’apprendre cela au collège !). C’est une consolation. Providence et langues mortes étant de mon côté, j’ai encore un peu d’espoir de m’en sortir dans l’existence, dans ce XXIe siècle hostile.
Le lendemain, une autre notification du Monde revient sur la nouvelle édition du Larousse et souligne que celle-ci se veut connectée au monde numérique, avec notamment l’entrée dans le dictionnaire des mots : « big data », « selfie » et « community manager ». Me croirez-vous, je connais les trois mots et les utilise fréquemment… Soupir de soulagement. Sourire. Comme quoi, l’humeur tient à peu de choses.
Pour finir, je crois qu’il y a une erreur dans le quiz. Pour « bobologie », la réponse donnée pour bonne est « Ensemble des maux bénins qui occasionnent des interventions ou des consultations médicales souvent abusives » ; je crois plutôt que c’est « Science humaine étudiant le comportement et les habitudes des « bourgeois bohèmes » » comme certains bobos qui font des quiz…
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