Le principe est simple. On paie, un peu, régulièrement, pour constituer un fonds qui permettra de faire face aux dépenses causées par un événement imprévu subi ou causé par le bien ou la personne assurée : incendie d’une maison, vol d’une voiture, maladie, décès, accident causé à un tiers, annulation d’un concert, etc. On peut tout assurer ; c’est une affaire d’offre et de demande.
Le rapport entre l’assurance et le monde documentaire ? Il y a en a deux : les documents d’assurance et l’assurance des documents (les documents considérés comme actifs documentaires, c’est-à-dire les documents engageants, les archives).
Les documents d’assurance sont un sujet assez bien circonscrit : contrats et justificatifs, appels de cotisation et quittances, attestations, déclarations, et bien sûr (le moins souvent possible pour tout le monde finalement) les dossiers de sinistre. Avec deux risques à la clé : celui, pour l’assuré, d’avoir mal lu ou mal interprété les clauses limitatives (un conseil : se munir d’une loupe et d’un dictionnaire) ; celui, pour l’assureur, d’être confronté à de faux documents (falsifications ou forgeries).
L’assurance des documents est un domaine plus flou car plus subtil. La valeur d’un document ou d’un groupe de documents est plus délicate à décrire et à caractériser que celle d’une moto, d’un bijou, d’un voyage, etc. Or, comment assurer un bien qui n’est pas précisément identifié et dont les conséquences du dommage ne sont pas nettement estimées ?
Au début de ma vie professionnelle, dans les archives publiques patrimoniales, la règle entendue était que l’État était son propre assureur : pouvait-il en être autrement ?
À la fin du XXe siècle, avec le développement de l’externalisation de la conservation d’archives papier (privées puis publiques, même si cela n’est officiellement autorisé que depuis 2009), est apparue la notion d’assurance des archives. Je me souviens d’un contrat gérant le stockage d’environ 10000 dossiers d’une entreprise dans le domaine du bâtiment et proposant une indemnisation de 100 francs par boîte d’archives perdue… Certaines boîtes contenaient des plans originaux de gros chantiers encore suivis ; d’autres des listings ou des photocopies sans aucun intérêt. Les critères de base étaient le coût estimé de la reconstitution des archives perdues et la probabilité d’en perdre : données assez incertaines.
L’éventail de valeurs des documents rangés dans des boîtes d’archives est plus large que l’éventail des variétés des boîtes de petits pois (qui sont pourtant nombreuses !). C’est que les archives ne sont pas des biens fongibles. Vous recherchez, pour vous défendre lors d’un contentieux, une liasse de facture de juin 2011 ; elle a disparu. Que se passera-t-il si on vous donne à la place une liasse de factures de juillet 2013, provenant des archives d’une autre entreprise ou, mieux, si on vous fabrique des factures toutes neuves pour l’occasion.
Au fait, que peut-il advenir de grave dans la vie des documents ?
Ils peuvent être déformés ou détruits, entraînant la perte de la preuve et/ou la perte de l’information. Pour ce qui est de la preuve, le code civil (art. 1348) admet en preuve, depuis 1980 (bien avant le numérique), une copie « fidèle et durable » lorsque l’original a accidentellement disparu. Pour ce qui est de l’information, une copie a généralement la même valeur que l’original. Il est donc prudent de créer une copie (ou deux ou trois, mais pas cinquante) de ce qui est important, geste administratif bien précis, et de qualifier utilement chaque objet documentaire qui le mérite.
Autrement dit, l’archivage managérial, en qualifiant les documents engageants et mémoriels et en alignant leur traitement sur leur valeur (copie de sauvegarde, métadonnées, contrôle des accès, traçabilité…), est la meilleure assurance documentaire !