La quittance est au monde locatif ce que le diplôme est au monde universitaire ou l’ordonnance au monde médical : le nom d’un acte écrit dont l’usage s’est restreint au fil des siècles à un domaine bien spécifique de la vie courante.
La plupart des quittances concernent aujourd’hui des loyers, l’essentiel des diplômes sanctionnent des études et la grande majorité des ordonnances sont le fait des médecins.
Qu’est-ce qu’une quittance ?
La quittance est un écrit signé par lequel le signataire atteste que, à telle date, telle personne, nommément désignée dans le texte, ne lui doit plus rien. La quittance est donc une attestation que ce qui était dû est payé et que le débiteur est désormais libre (sens premier de l’adjectif quitte) et peut se sentir tranquille (quietus en latin, ayant donné quitte au Moyen Âge).
Les éléments nécessaires et suffisants pour une quittance sont le nom du débiteur, la signature du créancier et la date de la quittance. Le montant de la somme due ou de la dette n’est pas indispensable dans l’acte de quittance puisque, au moment de son établissement, le dû, qu’il soit précisé quelque part dans un contrat ou convenu oralement, fait partie du passé. Le montant acquitté n’apporte rien au titre que représente la quittance pour son bénéficiaire et n’apporte rien à l’auteur de la quittance. C’est ce qu’on peut voir dans l’illustration ci-dessous, une quittance de frais médicaux de 1783, sans précision de tarif ; c’est dommage pour l’historien de la médecine et de son coût, mais c’était inutile pour les protagonistes de l’histoire. Le rôle de la quittance est de prouver que la dette est éteinte, non de tracer son montant.
C’est ce qui différencie la quittance du reçu. Le reçu doit , lui, indiquer le montant de la somme versée mais ne dit rien sur le fait que la personne qui a versé cette somme doit encore quelque chose ou non ; ce n’est pas son rôle. Le reçu est un document comptable ; la quittance est un document juridique.
De nos jours, où on aime bien tout mélanger, quittance et reçu se confondent volontiers, à commencer par la quittance de loyer sur laquelle le droit et la pratique recommandent de mentionner le détail des sommes versées et la période correspondante. Il en est de même pour les quittances de cotisation des assurances ou pour les quittances de factures EDF. La quittance et le reçu ont fini par se pacser pour faire d’une pierre deux coups.
Depuis quelques décennies, la quittance liée à la maison (loyer, EDF) s’est vue dotée d’un rôle supplémentaire, celui de prouver le lieu de résidence dans une démarche administrative, sociale ou bancaire. La quittance délivrée à Madame Michu, locataire d’un appartement 99 rue Gambetta à Trifouillis-les-Oies, est devenue une pièce justificative de domicile. C’est la troisième fonction de la quittance dans son histoire, sans lien avec le signataire de la quittance. Madame Michu pourra se servir de sa quittance de loyer pour une demande d’allocations logement auprès de la Caisse d’allocations familiales, ou encore comme justificatif de domicile pour un dossier de prêt à la consommation.
La quittance, malgré ces subtilités, n’a pas inspiré les écrivains. Une exception toutefois avec Paul Féval (le père du sympathique Lagardère), auteur au milieu du XIXe siècle d’une épopée irlandaise où les « payeurs de minuit », catholiques, pourfendent les protestants anglais à la clarté de la lune, donnant lieu à une « Quittance de minuit ».