J’aime publier, j’aime observer. Je fais les deux sur Linkedin, plus particulièrement depuis six mois. Retour d’expérience.
J’ai ouvert mon compte Linkedin en 2008, répondant à l’invitation d’un collègue. J’ai commencé à m’y intéresser vraiment en 2011 avec la création du groupe de discussion du CR2PA dont je suis secrétaire général (750 membres). J’ai décidé d’y être vraiment présente en juillet 2015.
Ma pratique des réseaux sociaux se limite à Linkedin : mes autres comptes professionnels somnolent ; je n’ai pas de compte Facebook (la lecture attentive des 30 pages de conditions générales m’en a dissuadée…) et Twitter ne me séduit toujours pas. Mon analyse ne sera donc pas comparative, pour l’instant.
Linkedin au quotidien
Linkedin, c’est… fascinant, intriguant, et parfois agaçant.
Ce qui est fascinant, c’est le principe même du réseau social, la puissance du réseau, la fulgurance de la diffusion. Je poste quelque chose et dans les secondes qui suivent, plus de 1500 personnes (mes « contacts » et « abonnés ») peuvent voir cette information, même si, soyons réalistes, la plupart ne la verra pas. Cette possibilité est une grande chance car je n’ai pas oublié la lourdeur hiérarchique et technique quand on avait envie de faire savoir quelque chose à la communauté avant l’an 2000…
Ce qui m’intrigue (enfin pas vraiment), c’est le fonctionnement du réseau, l’autorégulation et le pilotage, le devenir des données. Le réseau me fait l’effet d’un grand sac à malice dont on ignore qui tient la corde, qui stocke le contenu. Par exemple, j’ai récemment refusé une demande de contact d’un Archibald Machinchose à la recherche de je ne sais quelle intrigue : aussitôt, Linkedin m’informe que l’invitation est « ignorée et archivée » ! Cela me semble un peu contradictoire… Archivée ? Pour combien de temps ? J’eusse préféré « invitation détruite ».
De petites choses me grattent, comme le fait que l’organisation des données ou les règles de fonctionnement évoluent, s’ajustent au jour le jour, comme dans un supermarché, déroutant les réflexes, ou bien la messagerie propriétaire de Linkedin (pas pratique), ou encore le fait que des gens que je ne connais pas recommandent ma compétence sur une question que je ne connais pas davantage, juste parce que le réseau (un peu balourd parfois) le leur a suggéré. Plus sérieusement, c’est la gestion de la notion de temps qui m’agace surtout, notamment au travers de la rétroactivité des mises à jour de profil. Quand j’ai quitté le CNAM pour Paris10, mes posts correspondant à mon activité CNAM se sont trouvés rétroactivement signés Paris10. C’est ni plus ni moins de la désinformation. Même si le réseau joue sur un temps court de quelques mois, la chronologie reste une valeur respectable.
Un lieu de publication
Pour moi qui ne cherche pas une « opportunité » (mon expertise et ma méthode Arcateg me conduiront jusqu’à la retraite et sans doute au-delà), Linkedin est un d’abord un lieu de publication de mes analyses de la société de l’information, de la constitution de la mémoire collective et de la mise en œuvre d’un archivage managérial face au tsunami numérique.
J’ai publié dix billets au cours des six derniers mois. J’interviens une quinzaine de fois par mois via des partages de nouvelles, des posts dans des groupes de discussion ou des commentaires. Je ne like jamais ; c’est un choix, motivé d’abord par le fait qu’il est plus naturel pour moi de critiquer et de commenter que d’aimer ou de ne pas aimer (quoi d’ailleurs ? Le sujet ? Ce qui est dit ? La façon dont l’idée est présentée ? La personne qui l’exprime ?), et ensuite parce que je gamberge sur l’usage que les algorithmes du big data pourraient faire de mes likes…
Avec ces billets, j’ai voulu comparer la publication sur Linkedin et la publication sur mes blogs (j’ai créé deux blogs, tardivement, en 2011 et 2013). Très intéressant. Indubitablement, les billets postés sur Linkedin sont davantage « vus » que l’équivalent sur mes blogs. Mais l’effet est éphémère sur le réseau, tandis que la moitié des visites quotidiennes sur mes blogs concernent des billets rédigés il y a un, deux, trois, voire quatre ans, et qui, délibérément, ne sont pas, ou pas que, corrélés à l’actualité du jour. Ce qui me fait dire que la mort des blogs, annoncée ici et là, n’est pas encore effective. Et tant mieux. Les réseaux sociaux ont acquis le monopole de l’immédiateté mais il y a une place ailleurs pour une écriture posée et pérenne. De plus, pour ce qui me concerne, sur mon blog, c’est moi qui gère l’archivage…
Le réseau booste l’audience. Le dixième de mes billets a dépassé les 1000 vues en quelques heures (dix fois plus que pour les autres, ou ce que le meilleur de ces billets n’a pas atteint en cinq mois), grâce notamment au partage par des personnes bénéficiant d’un large réseau. Je me suis demandée pourquoi car, de mon point de vue, ce billet, une fois n’est pas coutume, était un peu hâtif. Parce que c’était le 10e ? Parce qu’il était plus court ? Parce qu’il parlait des attentats du 13 novembre 2015 à Paris ? Parce que c’était un des premiers commentaires sur cette collecte des archives du mémorial du Bataclan par les Archives de Paris ? Un peu tout cela sans doute.
D’une manière générale, en plus d’exprimer mes idées, ma démarche d’auteur est de défendre la langue française que je trouve belle et subtile. Mais pour diffuser ses idées, la langue anglaise est incontournable. J’ai donc publié en anglais aussi, pour voir, et j’ai vu. J’ai vu que l’audience était décuplée, que le public de mes billets venait des cinq continents. C’est évident, mais plus encore quand on en fait l’expérience directe. C’est agréable et fructueux de recevoir des commentaires de collègues qu’on ne connaît pas et qui expriment un avis, complémentaire ou différent. En comparaison, il faut bien avouer que les Français s’expriment peu, timidité ou paresse ?
Un terrain d’observation
Le réseau Linkedin est aussi pour moi un lieu de promenade et d’observation quotidienne. Je me fais souvent la réflexion qu’il n’y a quasiment pas deux internautes qui voient le même mur, de même qu’il n’y a quasiment jamais deux caddies de supermarché qui ont le même contenu. Deux facteurs se combinent : la composition du groupe de contacts dont chacun voit les nouvelles, et l’attention portée par chacun sur ce qui est effectivement posté, en fonction de sa fréquence de consultation du réseau, de ses centres d’intérêt, de ses préoccupations du moment. Il y a là une variabilité très amusante.
Qu’est-ce que je fais avec mon mur ?
Tout d’abord, je m’informe, en cliquant sur les posts qui, a priori, vont m’apprendre quelque chose que j’ai envie de savoir. Je ne décroche pas le Mickey à tous les coups mais le temps perdu avec des informations décevantes est compensé par le plaisir et la valeur ajoutée (pour moi) de certains billets. Linkedin est l’hypermarché du post professionnel ; on y trouve de tout, pour tous les goûts. Ceci dit, je fais moyennement confiance aux notifications ; j’aime mieux la sérendipité.
Mais surtout, j’aime observer les comportements dont le réseau est le reflet. Que vois-je ? Un évident besoin de socialisation et une empathie communautaire comme en témoigne le nombre de posts et re-posts de citations d’hommes célèbres (rarement de femmes…) (voir illustrations ci-dessus), de témoignages de solidarité, d’énigmes mathématiques, d’aphorismes portés par des animaux (voir illustrations ci-dessous) et de bons mots en image (impression qu’il y a des gens qui passent leur temps à en fabriquer comme naguère les histoires belges…), etc. au point de susciter des rappels à l’ordre de certains (ne confondez pas Linkedin avec Facebook !).
« Dis-moi ce que tu écris et lis sur ton mur, je te dirai qui tu es. » (une sentence qui pourrait être postée sur Linkedin…). Je crains que les psychologues et les sexologues ne soient aujourd’hui démodés. Vive les résologues !
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