Non classé – Arcateg, méthode d'archivage par catégorie https://www.marieannechabin.fr/arcateg Arcateg™, archivage par catégorie Fri, 18 Mar 2022 15:51:44 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.4.13 https://www.marieannechabin.fr/arcateg/wp-content/uploads/2017/02/cropped-logo-arcateg-carree2-32x32.png Non classé – Arcateg, méthode d'archivage par catégorie https://www.marieannechabin.fr/arcateg 32 32 RGPD: ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain! https://www.marieannechabin.fr/arcateg/2019/06/16/rgpd-ne-pas-jeter-le-bebe-avec-leau-du-bain/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=rgpd-ne-pas-jeter-le-bebe-avec-leau-du-bain Sun, 16 Jun 2019 09:31:52 +0000 https://www.marieannechabin.fr/arcateg/?p=4928 Les sanctions jouent un rôle important dans la prise en compte des bonnes pratiques de protection des données à caractère personnel dans les entreprises. Cependant la peur du gendarme suscite des projets divers et des réactions parfois radicales qui me font craindre que certaines entreprises ne jettent le bébé archive avec l’eau du bain des…

Cet article RGPD: ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain! est apparu en premier sur Arcateg, méthode d'archivage par catégorie.

]]>
Les sanctions jouent un rôle important dans la prise en compte des bonnes pratiques de protection des données à caractère personnel dans les entreprises. Cependant la peur du gendarme suscite des projets divers et des réactions parfois radicales qui me font craindre que certaines entreprises ne jettent le bébé archive avec l’eau du bain des données.

L’exigence de durées de conservation motivées méconnue

Les sanctions infligées par la CNIL au cours de l’année qui vient de s’écouler portaient principalement sur des aspects de sécurité, liés à des failles techniques ou provenant de négligences humaines. Le grief de défaut de définition de durées de conservation des données est moins courant. L’exigence est pourtant bien présente dans le RGPD: les données doivent être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées » (article 5 et suivants).

La question des durées de conservation est toutefois mise en avant dans la récente délibération de la CNIL au sujet de la société SERGID (délibération 2019-005 du 28 mai 2019) qui, outre les failles de sécurité, conservait ses données sans limitation de durée, et surtout sans justification. La sanction et ses motifs sont présentés sur le site de la CNIL: « sanction de 400 000€ pour atteinte à la sécurité des données et non-respect des durées de conservation ». Ce cas est d’autant plus intéressant qu’un bon nombre de manifestations et d’articles sur le RGPD ignorent complètement la question des durées de conservation motivées, et que l’attitude des entreprises face à cette exigence de définition de durées de conservation des données varie étonnamment d’une entreprise à l’autre.

Deux extrêmes

Contrairement aux aspects de sécurité informatique, l’attitude face aux exigences du RGPD en matière de détermination de durées de conservation des données n’est pas liée à la taille de l’entreprise ni au budget qu’elle investit dans son projet de mise en conformité; c’est plus une question de management, de sorte qu’on trouve toutes les attitudes possibles aussi bien parmi les grands groupes que dans les PME.

Le positionnement des entreprises en matière de définition de durées de conservation est en grande partie lié aux profils des DPO qui sont eux-mêmes très variés (droit, informatique, sécurité de l’information, management, documentation, archivistique…).

Les deux attitudes les plus extrêmes sont les suivantes:

  • Certaines entreprises misent uniquement sur la technologie pour répondre à toutes les situations: les données sont centralisées dans un grand « lac de données » dont les accès sont puissamment contrôlés. Les outils de recherche de l’information permettent une gestion des données à un niveau très fin, avec cette idée que, si on maîtrise l’accès aux données, on peut facilement identifier les données dont « l’effacement » est demandé, soit par la personne concernée, soit par un métier, au moyen d’une fonction de déréférencement. Ce contrôle très poussé des accès laisse croire à ces entreprises qu’elles peuvent s’exonérer de définir des durées de conservation. Le stockage étant bon marché, pourquoi s’embêter à détruire des données si l’on peut simplement supprimer l’accès à ces données pour satisfaire à la demande d’effacement?
  • A l’opposé, on trouve des entreprises où c’est la frilosité qui domine. Tétanisés à l’idée d’un contrôle de la CNIL qui mettraient en évidence un défaut de conformité, ils préfèrent devancer l’appel et détruire systématiquement toutes les données à caractère personnel (facilement les deux-tiers des données de l’entreprise) au bout de cinq ou dix ans, sans vraiment chercher à analyser les conséquences d’une suppression excessive de la mémoire de l’entreprise. Je ne parle pas ici de la mémoire historique (sur laquelle il y aurait aussi à dire car le texte du RGPD n’est pas si clair avec sa « conservation à des fins archivistiques dans l’intérêt public » de l’article 89 du Règlement) mais bien de la mémoire des métiers, du besoin par exemple de conserver certaines données clients pendant vingt ou trente ans (ou davantage) dans l’intérêt même du client, pour assurer un service après-vente ou apporter au client un conseil ou une expertise à partir de l’historique de ses achats (dans l’industrie du luxe, il n’est pas rare de devoir retracer l’histoire d’un objet ancien pour des raisons juridiques, sans même évoquer la dimension patrimoniale).

Or, la question n’est pas la conservation ou la destruction en soi, mais la justification de l’un ou de l’autre. Ce que demande le RGPD, c’est la licéité de la collecte et des traitements ultérieurs, ce qui s’exprime dans la notion finalité des données, centrale dans le règlement.  L’enjeu est de s’arrêter à la case « finalité » et de savoir réagir pertinemment en cas de finalité plurielle, ce qui est assez fréquent. Si on interprète le RGPD comme l’obligation de détruire toutes les données de plus de dix ans ou de plus de cinq ans, et qu’on se focalise sur ce délai, on a tout faux. Supprimer les données sur un simple argument d’âge équivaut à jeter le bébé-archive avec l’eau du bain. Une erreur qui pourrait  coûter cher à l’entreprise.

Établissement de bains (Montréal, quartier Marguerite Bourgeoys)

Conserver et détruire: une question d’archivage

Cette question de conserver ou détruire des données, c’est-à-dire 1) d’identifier ce qui doit être conservé ou détruit (quel document, quel groupe de données) et 2) énoncer le motif de la conservation ou de la destruction en lien avec la finalité du traitement, cette question donc est la question fondamentale de l’archivage managérial / records management.

Identifier l’information créée par l’entreprise ou en son nom et dont la non-disponibilité ou la divulgation inappropriée serait dommageable à l’entreprise, c’est le B-A-BA  de l’archivage. C’est le quotidien d’un grand nombre de professionnels de l’archivage et de la conservation des documents engageants depuis plusieurs décennies, bien avant la création de la CNIL et le portage de l’enjeu de protection de la vie privée au niveau européen.

De ce point de vue, on peut en même temps se réjouir du fait que le RGPD énonce clairement l’exigence de définition de durées de conservation motivées, et déplorer que la version française n’évoque pas plus l’archivage que la version anglaise ne parle de records management, une énorme lacune dans la forme du RGPD (NB: je ne parle pas ici de « l’archivage intermédiaire », expression confuse encore utilisée par la CNIL mais qui n’a pas grand-chose à voir avec le records management).

Heureusement, d’autres entreprises, privées ou publiques, ont fait le lien entre la démarche d’archivage et la mise en conformité au RGPD et conduisent les deux projets de manière coordonnée et complémentaire. Voir à ce sujet le compte rendu de la table ronde organisée par le CR2PA, club de l’archivage managérial, et accueillie par L’Oréal en octobre 2017 sur le thème: L’archivage managérial comme levier de conformité au RGPD, avec cette citation d’un participant: « Les professionnels de l’archivage sont les mieux placés, voire les seuls, pour bien pratiquer les durées de conservation ». Un encouragement pour les responsables de projets d’archivage qui ont parfois du mal à faire reconnaître leur compétence pour le profil de DPO et plus généralement pour la gouvernance des données dans l’entreprise.

La valeur ajoutée de la méthode Arcateg™ pour la justification des durées de conservation

Dans ce contexte, la méthode Arcateg™ (archivage par catégorie), créée en 2007, se révèle un outil méthodologique particulièrement adapté aux projets de conformité RGPD dans la mesure où elle offre une grille prédéfinie et universelle des valeurs de conservation de l’information dans l’entreprise.

Contrairement aux tableaux de types de documents auquel on accroche une durée réglementaire ou un délai de prescription de formulation et d’application parfois complexes, le référentiel de conservation Arcateg™, lui, propose une liste-type des valeurs de conservation (ou de destruction) basée sur le risque issu du contexte de production du document et donc, pour parler RGPD, de la finalité des données: au sein de quelle relation les données sont-elles produites? Quelle action tracent-elles? A quoi pourront-elles servir demain, en action ou en défense, en preuve de son bon droit ou à charge?

Arcateg™ prend en compte tous types d’information, toutes formes, tous supports, dès lors que l’entreprise est propriétaire de ces « objets d’information » (stockage, sécurité) et qu’elle assume leur contenu et doit donc rendre des comptes à qui de droit de leur usage (accountability).

En suivant un raisonnement fidèle à la diplomatique (science de l’écrit probant) et aux fondamentaux de l’archivistique (le support n’est pas discriminant pour la valeur de l’écrit), Arcateg™ appréhende un groupe de données qui trace une action à une date donnée dans une relation hiérarchique ou transactionnelle comme un « document » (un écrit daté).

Au sein du référentiel Arcateg™ standard, les catégories de conservation, au nombre de 100, constituent une macro-liste à personnaliser pour produire une cartographie des durées de conservation motivées auxquelles on peut facilement rattacher les données de l’entreprise telles qu’elles se présentent dans les applications et dans les services. Pour en savoir plus, inscrivez-vous à la formation ARCA-RGPD.

Cet article RGPD: ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain! est apparu en premier sur Arcateg, méthode d'archivage par catégorie.

]]>
Qu’est-ce qu’un brouillon ? https://www.marieannechabin.fr/arcateg/2017/08/02/quest-quun-brouillon/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=quest-quun-brouillon https://www.marieannechabin.fr/arcateg/2017/08/02/quest-quun-brouillon/#comments Wed, 02 Aug 2017 10:46:37 +0000 http://www.arcateg.fr/?p=4474 On pourrait dire que le brouillon est au document engageant ce que le manuscrit est au livre. Un écrit en devenir, le support de la maturation des idées et de l’émergence de la meilleure formulation, au regard de l’objectif poursuivi : traduire sa pensée en phrases, être le plus explicite possible pour le destinataire de l’écrit.…

Cet article Qu’est-ce qu’un brouillon ? est apparu en premier sur Arcateg, méthode d'archivage par catégorie.

]]>
On pourrait dire que le brouillon est au document engageant ce que le manuscrit est au livre.

Un écrit en devenir, le support de la maturation des idées et de l’émergence de la meilleure formulation, au regard de l’objectif poursuivi : traduire sa pensée en phrases, être le plus explicite possible pour le destinataire de l’écrit.

Le manuscrit précède le livre parce que la production du livre, objet culturel créé en N exemplaires, exige une mise en page et une impression qui n’est plus le rôle de l’auteur mais celui de l’éditeur et de l’imprimeur.

Pour un document d’archives (dont la finalité initiale n’est pas un objet culturel mais la transmission d’une décision ou d’une information – lettre officielle, contrat, déclaration, compte rendu), le brouillon correspond à l’étape de mise en mots (en schémas parfois) d’un message, avant la mise en forme, la mise « au propre » du document final.

Il existe dans les archives des brouillons de toutes sortes qu’il n’est pas inutile de distinguer, au plan diplomatique (qualifier plus précisément le brouillon) et au archivistique (le traiter conformément à ce qu’il est).

L’idée de cet article m’est venue à la lecture des décisions judiciaires dans l’affaire de la revendication par les Archives nationales en 2011 d’un lot « brouillons de télégrammes » du général de Gaulle, chef de la France Libre, mis en vente par la société Aristophil (disparue en 2015).

Les « brouillons de télégrammes manuscrits » du général de Gaulle

Les faits et analyses concernant ces « brouillons de télégrammes » du général de Gaulle sont notamment exposés dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2013 : 313 « brouillons de télégrammes manuscrits » du général de Gaulle rédigés entre 1940 et 1942, adressés à divers responsables civils et militaires de la France Libre et à différents chefs d’État se sont retrouvés après la guerre en possession de la famille d’une collaboratrice du Général ; ces documents, acquis par la société Aristophil après le décès de cette dame, sont revendiqués en 2011 par les Archives nationales en raison de leur « qualité d’archives publiques ».

La contestation porte généralement sur le caractère public ou non des archives de la France Libre, concomitante du Gouvernement de Vichy, et spécifiquement sur la qualité d’archives publiques des « brouillons » en question.

Parmi les arguments présentés par l’État sur la qualité d’archives publiques de ces documents, on note que :

·        ces documents constituent des archives publiques au sens de l’article L.211-4 du code du patrimoine dans la mesure où « il s’agit de brouillons de messages rédigés par le général de Gaulle, donc émanant d’une autorité représentant la République française, mais en outre rédigés par le « représentant du gouvernement français de fait » » ;

·        la numérotation des 313 documents est identique à celle des documents déjà remis par le général de Gaulle en 1967 et ce lot complète donc la série ;

·        « la qualité publique d’une archive ne dépend pas de la volonté réelle ou supposée de son auteur, mais bien d’éléments objectifs l’intégrant de facto et ab initio dans le domaine public de l’État ».

Les décisions ultérieures (arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2015 et décision du tribunal administratif de Paris du 12 mai 2017) – qui confirment le bien-fondé de la revendication des Archives nationales et le statut d’archives publiques de ces documents – utilisent cette même expression de « brouillons de télégrammes manuscrits ».

La lecture de cette argumentation m’a laissée perplexe quant à la qualification de brouillon. En effet, la formulation est ambiguë et ne permet pas de visualiser le document qui mériterait une description plus précise. À ce mot de « brouillon », j’ai cru dans un premier temps qu’il s’agissait de projets de messages, de la main du Général, sur un papier libre ou dans un « cahier de brouillon », traçant ses premières intentions, avant la rédaction définitive, autrement dit quelque chose de personnel (en m’étonnant dans le même temps que l’illustre chef ait hésité dans son action et ait eu besoin d’un brouillon pour formuler sa pensée politique et militaire dans un télégramme).

En réalité, il s’agit de bien plus qu’un brouillon avant la rédaction définitive. Le fait que ces « brouillons » aient été numérotés et qu’ils constituent une trace organisée de l’activité du gouvernement, laisse supposer que le texte du « brouillon » est le texte final, qui a validé et mis au propre dans le télégramme original expédié à son destinataire. La photographie d’un de ces télégrammes publiée par le Figaro qui a suivi l’affaire montre un formulaire pré-imprimé, intitulé « projet de télégramme », avec divers intervenants dans le processus de production des télégrammes et un enregistrement rigoureux.

Ces « brouillons », étant validés, jouent le rôle du double (de la minute, de la copie) du courrier expédié comme cela se rencontre ordinairement (se rencontrait du moins) dans un secrétariat. Ce sont donc bien plus que de simples « brouillons ». Le caractère manuscrit n’a pas d’incidence dans la valeur administrative du document, sinon qu’il peut être trompeur quand on confond brouillon et écriture manuscrite. Quant à l’intérêt historique, la valeur des écrits autographes du Général est évidente.

Définitions du brouillon

Qu’est-ce donc, précisément, qu’un brouillon ?

La littérature est assez maigre sur le sujet. Je retiens trois définitions.

Le toujours remarquable dictionnaire en ligne du Centre national de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL) définit le brouillon comme « l’ébauche plus ou moins griffonnée et corrigée destinée à être mise au propre ».  Le terme est lié à celui de brouillard, « un terme de comptabilité pour désigner le premier enregistrement d’une donnée comptable avant validation de la dépense ou de la recette, avant l’écriture définitive dans le livre de compte ». Une fois la validation opérée, on sort du brouillard pour entrer dans le livre de compte.

La notice Wikipédia (qualifiée elle-lettre « d’ébauche » par l’encyclopédie collaborative) dit que : « un brouillon est un document de travail écrit ou dessiné, destiné à être annoté pour améliorer et approfondir un document écrit, améliorer l’expression écrite ou un dessin. Un brouillon désigne également le support de la réflexion. Dans le cas d’un service numérique, un brouillon peut également désigner un document en cours de rédaction et non publié ».

Le Dictionnaire des archives, français-anglais-allemand : de l’archivage aux systèmes d’information, publié en 1991 par l’AFNOR et l’École nationale des chartes définit le brouillon ainsi : « Rédaction préparatoire d’un document portant modifications et corrections ».

Ce qui ressort de la première définition est le caractère d’ébauche par opposition à la mise en forme. La seconde définition insiste sur le caractère de document de travail et de réflexion. La troisième, plus spécifique au monde des archives, met en avant le rôle préparatoire.

Le brouillon est tout cela, et davantage encore si on considère non seulement ce qu’il est, dans l’absolu et relativement au document achevé qu’il prépare, mais aussi le rôle qu’il joue dans la gestion de l’information.

Le brouillon, quand il existe, est par définition antérieur au document définitif dont il est le premier jet. Mais le brouillon n’existe pas toujours, ou bien il existe mais le document définitif, lui, n’existe pas. Par ailleurs, on peut imaginer d’avoir plusieurs brouillons qui se succèdent pour un même document achevé. On peut imaginer aussi, dans le cas de l’envoi d’un même texte à plusieurs destinataires, un seul et même brouillon pour la production de plusieurs originaux. Pour récapituler, les relations entre brouillon et document achevé sont multiples :

  • 0 brouillon pour 1 original, par exemple une carte de vœux que l’on rédige en général sans brouillon ;
  • 1 brouillon pour 0 original, lorsque le projet n’aboutit pas et que le brouillon n’est jamais « mis au propre » ;
  • 1 brouillon pour 1 original (cas fréquent de la correspondance)
  • 1 brouillon pour N originaux, dans le cas d’une lettre-type, avec un message commun et N destinataires individuels ;
  • N brouillons pour 1 original, quand la complexité du document à produire ou le manque d’assurance du rédacteur conduit à remettre plusieurs fois l’ouvrage sur le métier ; cette multiplicité de brouillons peut prendre la forme de plusieurs versions successives ou d’un jeu de morceaux de texte qui seront assemblés dans la rédaction définitive.

Pour être complet, il faudrait ajouter le cas où le brouillon n’est pas une pièce à part entière (une feuille, un fichier) dont la totalité du contenu correspond à la totalité du document définitif, mais une partie de document physique, quelques paragraphes dans un cahier où un registre où figurent d’autres brouillons ayant donné lieu à d’autres documents définitifs.

Et cette liste ne tient pas compte des documents, brouillons ou originaux, qui ont existé mais n’existent plus, quels que soient le moment et le motif de leur disparition.

Ne pas confondre apparence visuelle et forme diplomatique

Les habitudes d’écriture de la seconde moitié du XXe siècle (environ la moitié des archives existantes vient de cette période) ont semé dans les esprits cet amalgame visuel : « manuscrit = brouillon » et « dactylographié = original ». Pendant ces décennies, effectivement, le brouillon d’un document était volontiers manuscrit, tandis que sa mise au propre passait par l’utilisation d’une machine à écrire.

L’écriture manuscrite, les abréviations, les ratures et rajoutures sur un document sont des indices de l’état de brouillon mais l’apparence n’est qu’un indice du statut réel du document. La qualification de brouillon doit surtout tenir compte de la forme diplomatique de l’écrit en question, c’est-à-dire des éléments internes (absence ou présence de données de validation ou d’enregistrement)  et externes (proximité avec d’autres documents) qui permettent de déterminer le lien entre ce qui a été initié et ce qui a été finalisé, et par conséquent d’établir la portée de ce brouillon et l’utilisation ultérieure qui peut en être faite, au-delà de l’analyse graphologique et des matériaux d’écriture.

Au début du XXe siècle, les originaux étaient encore largement manuscrits, se distinguant des brouillons par une écriture soignée et une mise en page aérée. À la fin du même siècle, les brouillons se présentaient de plus en plus sous la forme de fichiers texte saisis sur un ordinateur individuel avec une police de caractères rappelant un imprimé. C’est pourquoi les logiciels de traitement de texte ont introduit la fonctionnalité de filigrane permettant de faire apparaître sur chaque page du document la mention de « brouillon » ou plutôt de « draft », le terme anglais ayant tendance à s’imposer là aussi. Le numérique, en permettant les corrections par écrasement sans trace des modifications à l’écran, gomme la notion traditionnelle de brouillon sur un support distinct. À ce sujet, il est recommandé de faire attention, quand on envoie un courrier ou un rapport à l’extérieur sous forme numérique, à ne pas embarquer dans le document diffusé l’historique de toutes les révisions et maladresses de rédaction que le logiciel a tracé et qui est juste masquée à l’écran (voir le récit d’une mésaventure sur mon blog).

Le Dictionnaire archivistique multilingue, publié par le Conseil international des archives et le groupe de recherche Interpares en 2012, définit trois statuts possibles au regard du document parfait : le brouillon (inachevé), l’original (le document parfait) et la copie (reproduction ultérieure).

La qualification de brouillon est donc essentiellement liée au caractère inachevé du document, au-delà du matériau utilisé, de l’écriture et des éléments de forme tels que titres en gros caractères, logo ou tampon.

Ceci dit, il faut nuancer la notion d’achèvement, en distinguant la complétude du message (corps du texte) et l’achèvement de sa mise en forme. En effet, un « brouillon » peut comporter toutes les informations utiles qui figurent sur l’original, et ne se distinguer de ce dernier que par le style graphique et la mise en page (layout en anglais) plus ou moins aérée et solennelle. Ceci dit, une fois l’original expédié, il faut, pour le savoir, que l’auteur l’ait spécifié par une mention quelconque de validation ou d’enregistrement.

Prenons le cas de l’auteur d’un document qui commence par rédiger une ébauche afin de trouver les bonnes formules (document A) puis, en raison des nombreuses hésitations du texte primitif, recopie le texte définitif sur une autre feuille qu’il valide (document B) avant de rédiger le document définitif sur un papier à entête qu’il signe et expédie (document C). Dans ce cas de figure, il y a production de trois document. L’original appartient au destinataire. L’expéditeur détient les deux autres : le document A peut être qualifié de brouillon, le document B aussi mais c’est un « brouillon de première classe » si on peut dire car, pour l’auteur, il est la trace, la mémoire exacte, du message qu’il a diffusé. Le brouillon A sert à produire ; le brouillon B sert à tracer.

Pendant les décennies d’usage des machines à écrire, le document B a pris la forme d’une copie-carbone sur papier pelure produite en même temps que la frappe de l’original. Avec la généralisation des photocopieurs et des scanners, ce document B est devenu une copie réalisée après l’impression, et même souvent après la signature, de l’original. Il faut donc distinguer le contenu informationnel du document B de la chronologie de sa production.

Quatre acceptions du mot « brouillon »

Finalement, l’utilisation courante du mot brouillon, mêlant l’apparence « brouillonne » (ratures, absence de mise en forme) et la portée diplomatique de l’écrit, recouvre quatre valeurs archivistiques distinctes qui toutes présentent quelque chose d’inachevé, par opposition à un autre document qualifié, lui, d’original. J’utiliserai quatre appellations différentes pour plus de clarté.

1/ Tout d’abord le brouillon proprement dit. Il s’agit de toute ébauche ou projet de texte ou de schéma, correspondant à une partie ou à la totalité du document final à produire, qui a pour unique but (comme la définition de Wikipédia) celui d’aider à la production du texte définitif. Le recours au brouillon tient objectivement au fait que la personne qui met au propre (donc qui crée l’original) n’est pas la même que celle qui rédige (rédacteur vs secrétaire) ou, subjectivement, au besoin de l’auteur de passer par cette étape intermédiaire. Le brouillon est le plus souvent un document personnel, même si on peut imaginer qu’il soit issu d’un travail collaboratif (on réfléchit ensemble et on gribouille des notes pour faire émerger la bonne formulation). De ce point de vue, le brouillon est un document intime. Il concerne le mode de travail du rédacteur et son utilité primaire devient caduque lorsque le document à produire est finalisé.

2/ Ensuite la minute. La minute (dont le nom évoque une écriture manuscrite « menue », pratique et économique pour le rédacteur) désigne un document dont le texte est définitif et la mise en forme simplifiée selon des règles de rédaction et d’administration ; la minute sert à la fois de base à la production de l’original qui partira à l’extérieur et de trace probante de ce qui a été diffusé (cf le « document B » ci-dessus). La minute est le document que garde l’expéditeur d’un courrier ou d’un acte, comme preuve du contenu et des éléments de validation, sans conserver l’image des éléments de mise en forme, plus ou moins solennels, lesquels ne sont pas jugés utiles à la mémoire, voire à la preuve de l’engagement. Le fait que la minute comporte des abréviations, soit annotée, ou même raturée, n’entame pas a priori sa valeur de trace, dès lors qu’elle est lisible et codifiée pour ceux qui en ont l’usage.

La minute notariale tient une place à part en diplomatique car, s’il s’agit bien initialement d’un document portant le texte définitif de l’acte sans « mise au propre », par opposition à la « grosse » ou expédition remise à chacune des parties, il a été décidé officiellement, en raison du rôle de tiers de confiance qui est celui des notaires, de considérer la minute comme l’original, le document qui fait foi en cas de litige.

3/ Le troisième type est constitué par ce que j’appellerais le « projet échangé ». Il s’agit d’un document préparatoire à l’établissement d’un document final mais ce qui différencie ce type-là du « brouillon ordinaire » est qu’il a été échangé entre deux interlocuteurs, que ce soit dans le cadre d’une procédure de validation interne (discussion d’un projet de loi par exemple), ou que ce soit avec un tiers dans le cadre de relations précontractuelles. Le point important ici est que l’échange a besoin d’être tracé, d’une part pour aider au mieux à la production du document définitif sur une base écrite partagée, d’autre part pour garder la mémoire de ce qui a été proposé puis retirer du document final, éventuellement dans une perspective contentieuse. Dans ce cas, de plus en plus courant au XXIe siècle avec la pratique des réseaux et en premier lieu l’usage de la messagerie électronique, on a un type de brouillon qui cumule caractère inachevé et trace engageante.

4/ Enfin, il faut inclure dans cette liste la « note manuscrite sans suite ». J’entends par là un document de constat ou de compte rendu, rédigé lors d’une visite, d’une étude, d’une réunion et d’une interview, daté, contextualisé, assumé par leur auteur qui le classe sciemment dans un dossier. La particularité de ce document (qui peut lui valoir le qualificatif de brouillon) est qu’il reste à l’état manuscrit (tapuscrit si le document est saisi à l’ordinateur) ; il ne fait pas l’objet d’une « mise au propre ». Cette mise au propre a lieu parfois, parfois non, selon le temps ou la volonté de l’auteur, mais cela ne change rien finalement au statut du document qui a vocation à documenter une affaire ou un projet. Il n’est pas fait pour être diffusé et ne possède pas de destinataire identifié autre que l’utilisateur du dossier.

Faut-il archiver les brouillons ?

Les brouillons, avec les différentes valeurs ci-dessus, ont-ils vocation à être conservés ? Faut-il les archiver ?

La réponse à cette question ne saurait être absolue. Elle est relative à la valeur diplomatique du document et à sa propriété.

Parmi les quatre catégories identifiées ci-dessus, les trois dernières appartiennent sans contredit à l’entreprise ou l’organisation où elles ont vu le jour.

Pour les « brouillons proprement dits » (la première catégorie), je défends l’idée qu’ils sont la propriété de leur auteur qui a donc le droit de les détruire ou de les conserver. L’argument est que le brouillon pourrait aussi bien ne pas exister. Y recourir par manque d’aisance à rédiger du premier jet un document délicat est une opération d’ordre privé, même si on utilise le papier ou l’ordinateur mis à disposition par l’employeur. Ces brouillons-là ne procèdent pas de l’activité de l’organisation et se situent en amont, ou plutôt en marge, de l’exercice de cette activité ; ils n’engagent pas l’organisation tant qu’ils ne sont ni validés ni diffusés. Dès lors, c’est à chaque auteur de brouillon de décider s’il veut conserver ou jeter ses notes. En dehors de quelques comportements narcissiques ou fétichistes de conservation, les deux attitudes les plus courantes, selon le caractère des individus, sont, soit de jeter machinalement, soit de s’en désintéresser et de laisser s’entasser passivement les choses.

La question a encore plus d’acuité au regard du prochain Règlement européen sur la protection des données personnelles. En effet, prenons le cas du brouillon de réponse que l’on fait sous le coup de la colère à un mail désagréable que l’on a reçu de la part d’un client péremptoire ou d’un collègue mal léché : il est souhaitable de revoir les formules incendiaires, d’adoucir la réponse et de détruire le brouillon qui comporte des noms d’oiseaux et autres invectives. Sa destruction est indispensable pour éviter que les données litigieuses ne tombent dans les mains d’un hackeur ou d’un utilisateur peu scrupuleux. Je revendique pour l’auteur a) la liberté d’écrire ces brouillons, b) le droit de les détruire.

Pour les brouillons des catégories 2, 3 et 4, la valeur des documents – valeur qui doit déterminer la durée de conservation – est liée à l’affaire qu’ils documentent et au risque de ne pas en disposer. Cela ne fait guère de sens de leur attribuer une règle isolée. La pièce suit le dossier.

Une mention particulière cependant pour la minute : dans le cas où la minute est conservée sous forme de collection chronologique, l’objet dont on doit déterminer la durée de conservation n’est plus le document ou le dossier mais le chrono dans son ensemble, en fonction de l’usage qui en est fait (si une copie des documents existent également dans le dossier) et en alignant la durée sur le document le plus important en terme de risque dans la durée (si c’est là qu’est le seul exemplaire du document expédié).

Témoignage. Un responsable juridique d’une grande entreprise m’a sollicitée il y a quelques années sur le tri à opérer dans un dossier contentieux. Il s’agissait d’un dossier papier assez volumineux, qui ne représentait qu’une partie du dossier contentieux de l’entreprise, plusieurs juristes ayant participé à l’affaire et détenant chacun « son » dossier. L’affaire concernait un litige à la suite du rachat d’une autre entreprise. Le dossier comportait des dizaines de pièces, essentiellement des copies de jugements et de mémoires, téléchargées d’Internet ou de la messagerie électronique. Et se trouvait parmi cet amas de pages imprimées une modeste feuille manuscrite, avec quelques points d’interrogations. Comme je m’y arrêtais, mon interlocuteur me demanda s’il était pertinent de garder les brouillons… Il s’agissait de l’organigramme de l’entreprise rachetée, dressé au crayon de papier par ce responsable juridique qui, face à l’absence de toute trace d’organigramme officiel, était allé rencontrer dans sa maison de retraite la vieille assistante de direction d’un ex-patron, laquelle lui avait de mémoire présenté l’organisation d’alors. Ce « brouillon » (4e type) était en réalité, la seule pièce « originale » de ce dossier, et la plus intéressante à tous points vue. Bref, s’il fallait n’en conserver qu’une, c’était évidemment celle-là. Le plaisir que j’en eus est que le responsable juridique, ayant écouté mes explications, me répondit qu’il avait cette fois compris ce qu’était l’archivage…

Il convient par ailleurs de dissocier l’archivage réalisé par l’entité productrice pour la défense de ses intérêts, et la collecte des archives historiques qui s’inscrit dans un cadre réglementaire distinct.

Le moment de la collecte des archives historiques n’est pas déterminé de manière très précise par la loi. Il faut au minimum le consentement du propriétaire (le service) s’il existe encore à ce moment-là. Mais, la règle du jeu est qu’une fois la collecte déclenchée, tout ce qui a été gardé, activement ou passivement, passe sous le contrôle de l’archiviste. Des brouillons (1ère catégorie) pourront être jugés dignes d’une conservation historique, non pour leur valeur de preuve, mais en raison de la personnalité de leur auteur ou de leur caractère esthétique (valeur secondaire des archives dans les deux cas).

J’avoue avoir un peu de mal avec le discours officiel actuel sur l’imprescriptibilité des archives publiques. Le point qui me gêne est cette affirmation (voir ci-dessus l’affaire des télégrammes) que « la qualité publique d’une archive ne dépend pas de la volonté réelle ou supposée de son auteur, mais bien d’éléments objectifs l’intégrant de facto et ab initio dans le domaine public de l’État ». L’article L. 214-3 du code du patrimoine décrète par ailleurs « passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » « toute destruction d’archives publiques non autorisée par l’administration des Archives ». Est-ce à dire qu’un responsable public, un élu ou un fonctionnaire, qui détruit son brouillon de correspondance ou de note après finalisation de la rédaction, commettrait un crime ? Il faudrait alors poursuivre en justice toutes les personnes ayant détruit leurs brouillons (qui n’en a jamais rédigé ?). Qu’en aurait pensé Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, connu pour avoir laissé très peu d’archives de ses activités. Je cite Talleyrand mais je pourrais citer des personnalités vivantes et exerçantes, ce serait pareil…

Après tout, il y a peut-être là une piste à creuser en vue de la restauration des finances publiques…

 

Cet article Qu’est-ce qu’un brouillon ? est apparu en premier sur Arcateg, méthode d'archivage par catégorie.

]]>
https://www.marieannechabin.fr/arcateg/2017/08/02/quest-quun-brouillon/feed/ 3