marchés – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr Wed, 10 Sep 2014 12:19:25 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.3.6 http://transarchivistique.fr/wp-content/uploads/2013/03/cropped-désert-tunisien-eau-verte-2-32x32.jpg marchés – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr 32 32 Durée de conservation des offres non retenues http://transarchivistique.fr/duree-de-conservation-des-offres-non-retenues/ Wed, 10 Sep 2014 10:07:08 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=478 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, 10 septembre 2014

Les offres non retenues sont une catégorie de document bien connues des archivistes dans le secteur public principalement mais aussi dans le privé.

Il s’agit des propositions techniques et commerciales présentées par les fournisseurs en réponse à une consultation dans le cadre des marchés publics (obligation de collecter trois offres au minimum pour tout achat de produit ou de prestation) ou dans le cadre du processus Achats des entreprises.

La première caractéristique de cette catégorie de documents est son volume : le nombre de consultations multiplié par le nombre de réponses multiplié par le nombre de pages de chaque proposition (avec une tendance chronique à l’inflation comme si la qualité était indexée sur la quantité…).

La seconde caractéristique est qu’une fois la commission ad hoc (commission des marchés, comité de pilotage, etc.) a tranché et retenu un fournisseur et son offre, une fois échus les éventuels délais de recours des offreurs non sélectionnés, les « offres non retenues » ne présentent plus d’intérêt. À noter que l’offre retenue fait l’objet d’un marché et change alors de statut et de dénomination, selon deux pratiques différentes : soit le document de proposition est sorti de l’ensemble des offres et est signé pour valoir contrat ; soit un nouveau document intégrant les éléments de l’offre est rédigé par le client et co-signé des deux co-contractants, tandis que le document initial de l’offre retenue, caduc, reste avec les autres offres.

Il faut associer à ces offres reçues par une collectivité, un établissement public, un ministère, une entreprise ou une association, les offres émises en réponse à une consultation externe. Et il ne faudrait pas croire que là, seules les entreprises privées sont concernées car il y a de plus en plus de structures publiques ou parapubliques qui participent à des marchés, y compris à l’international.

La question se pose alors : combien de temps faut-il conserver les offres non retenues ?

Trois durées possibles (au moins) : 5, 10 ou 20 ans.

Comme pour tout document (voir mon analyse sur les entretiens annuels d’évaluation), il convient de faire SON analyse de risque, à partir de la réglementation et de son expérience.

La durée de 5 ans

ONR1La durée de conservation de 5 ans (à partir de la notification du choix c’est-à-dire, sauf exception très rare, à partir de l’année de création) figure dans la circulaire du Premier ministre en date du 30 décembre 1998 relative à la procédure de passation des marchés publics (Journal Officiel du 31 décembre 1998). Ce texte indique : « le délai minimal prescrit pour la conservation des dossiers de soumission présentés par les entreprises non retenues dans le cadre des procédures de passation des marchés publics est désormais fixé à cinq ans à compter de la notification du marché à l’entreprise retenue ».

Cette circulaire du Premier ministre avait été rédigée et publiée au Journal officiel à la suite d’une affaire de malversation dans les marchés du Conseil régional d’Ile-de-France… ; les offres non retenues étant jusqu’alors conservées trois ans par les archivistes, durée effectivement assez courte quand on voit jusqu’où remontent certaines enquêtes judiciaires.

La justification des 5 ans est donc de pouvoir vérifier que la passation du marché s’est faite, dans telle collectivité ou tel service, dans le respect des règles et sans favoritisme ou copinage.

Voilà donc une quinzaine d’années que cette durée de conservation de 5 ans est pratiquée dans le secteur public et souvent, par analogie, dans le secteur privé.

La durée de 10 ans

Si c’est écrit 5 ans dans le Journal officiel, pourquoi proposer 10 ans ?

Parce qu’une durée de conservation réglementaire est toujours liée à un contexte et ne préjuge pas du fait qu’un document peut avoir plusieurs valeurs. Du reste la circulaire du Premier ministre ne parle-t-elle pas de « délai minimal » ?

Or, il s’avère que, dans les audits comptables et fiscaux dont la prégnance et la sévérité se sont notablement accrues depuis quinze ans, les offres non retenues sont parfois la trace d’actions ou d’intentions dont il faut se justifier.

Le Livre des procédures fiscales (LPF) indique dans son article L102 que « Les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis.

Les offres non retenues ont aisément le statut de « pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de contrôle de l’administration ».

L’article L169 du même LPF précise que « Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin-de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ».

Autrement dit, la durée de conservation de 10 ans, par solidarité avec les documents comptables, peut s’avérer une bonne précaution.

À titre d’exemple, une entreprise s’est vu réclamer il y a quelques années par un auditeur externe des offres sans suite faite en tant que fournisseur et qui avaient cinq à sept ans d’âge, dans le but de vérifier s’il n’y avait pas eu entente sur les prix entre plusieurs fournisseurs (il arrive en effet que l’exigence d’avoir trois devis pour les marchés publics conduisent les entreprises à ne pas investir sur toutes les offres car ces devis sont gratuits pour le client mais coûtent cher à l’entreprise-fournisseur ; on laisse donc parfois un collègue-concurrent mieux placé répondre de façon plus poussée et on s’aligne un peu au-dessus. Quoi qu’en dise l’hypocrisie officielle, on ne peut dans une France en crise produire à la fois des biens et des services, et des devis gratuits à tire-larigot).

La durée de 20 ans

Quoi! 20 ans ?

Eh oui, pourquoi pas ? Si l’analyse du document et de son utilité le suggère ?

ONR2Il arrive en effet, pour certains domaines spécialisés, que le client hésite entre plusieurs offres également intéressantes et souhaite conserver, à titre documentaire, certaines propositions qui expose une technique ou une méthode originale. J’ai notamment rencontré le cas dans le domaine de l’environnement où une entreprise chargée de dépolluer un site avait fait appel à des prestataires spécialisés et reçus une vingtaine de réponses en provenance de toute l’Europe, avec des approches différentes. Les ingénieurs avaient fait leur choix mais souhaitaient conserver deux ou trois autres propositions pour enrichir leur réflexion. J’ai rencontré le cas une autre fois dans le domaine médical. Cela peut s’imaginer pour l’urbanisme, la pédagogie, etc.

Mais, direz-vous, dans vingt ans, ces méthodes et a fortiori ces technologies seront périmées et les propositions commerciales qui les exposent aussi. Est-ce si sûr ? Est-ce que la valeur d’une offre commerciale se limite à sa validité ?

J’entends souvent l’argument selon lequel il est inutile de garder la plupart des documents d’ordre technique, stratégique ou économique, plus de cinq ans car les informations de cette nature sont très vite périmées. C’est ignorer la valeur secondaire d’un document : en effet, ce n’est pas parce que l’information contenue dans un document n’est plus valide qu’elle n’a plus d’intérêt pour comprendre une situation au travers d’un faisceau d’informations accumulées pendant une certaine période. De ce point de vue, il n’est pas nécessaire de conserver la totalité d’un dossier pour préserver cette information ; un résumé peut suffire (s’il existe, et c’est là un autre problème car on ne prend plus le temps de faire des résumés).

C’est une question qu’il faut se poser au moment de la création/réception des documents, quitte à se la reposer plus tard. Car si le document n’est pas qualifié dès le départ de son cycle de vie comme document engageant ou de mémoire, il est bien difficile, sous la pression du quotidien, de faire demain ce qu’on aura négligé de faire aujourd’hui.

Et les offres numériques ?

Le décret n° 2002-692 du 30 avril 2002, réformant le code des marchés publics, a instauré l’obligation, dans le secteur public, d’être en mesure de recevoir les offres sous forme électronique à compter du 1er janvier 2005, soit sur une plateforme interne, soit par le biais d’un prestataire tiers de confiance.

Les mentalités évoluant plus lentement que la technologie, la mesure, dix ans après est encore loin d’être largement appliquée. On progresse, doucement…

L’aspect sécurité est bien contrôlé (encore que j’aie vu des décideurs, n’étant pas à l’aise avec l’informatique, laisser un agent disposer des codes d’accès à la plateforme sans aucune délégation de signature, mais c’est une autre histoire). Mais on peut observer diverses négligences relatives aux formats, à la validation des documents, à la gestion de leur cycle de vie.

Si la gestion de la durée de conservation des offres papier est en générale dévolue aux archivistes, les offres numériques, plus encore si elles sont hébergées par un tiers, restent souvent dans un no man’s land, une fois le choix effectué.

À quoi bon définir des durées de conservation de 5 ou 10 ans, voire plus, si les fichiers correspondant aux documents sont produits et stockés dans des formats cabalistiques ou exotiques et que les données sont illisibles ou incompréhensibles au bout de deux ou trois ans?

Les offres non retenues sont typiquement un série mixte (partie papier, partie électronique).

À quoi rime de fixer des durées de conservation aux documents engageants si on ne les appliquent qu’à un support ? Réponse : à pas grand-chose, du moins sur le plan archivistique.

 

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