L’archivage est plus que la sauvegarde, plus que la gestion des archives (à distinguer des archives historiques), moins que la gestion de contenu et différent de la dématérialisation. Les concepts d’un bon archivage relèvent de deux disciplines éprouvées : l’archivistique et la diplomatique.
Archivage / Records management
Démarche d’organisation qui a pour objectif d’identifier, de mettre en sécurité et de maintenir disponibles l’ensemble des documents qui engagent une entreprise ou un organisme vis-à-vis de tiers ou de son activité future et dont le défaut représenterait un risque.
Commentaire
Archivage est un terme à la fois récent dans la langue française (utilisé couramment depuis quelques décennies seulement) et multiple, dans la mesure où les différents métiers impliqués dans la gestion de l’information se le sont plus ou moins approprié. Du reste, il n’existe pas de définition légale du terme « archivage », alors qu’il en existe une du mot « archives ». En prenant un peu de recul, on constate que, si archivage est toujours employé au sens informatique de l’anglais archiving, on parle de plus en plus d’archivage comme d’une démarche managériale de contrôle du cycle de vie des documents à risque dans l’entreprise, au sens de l’expression anglo-saxonne « records management ». C’est pourquoi la Commission générale de terminologie a retenu comme traduction française de « records management » : « gestion de l’archivage », choix publié au Journal officiel de la République française le 22 avril 2009, avec la définition suivante : « Organisation et contrôle de la constitution, de la sélection, de la conservation et de la destination finale des documents d’une administration, d’une entreprise ou d’un organisme ». Le substantif « archivage » entre dans diverses expressions largement répandues, notamment « archivage légal » et « archivage électronique ». Mais l’archivage n’est pas légal à proprement parler, c’est la conservation qui est une obligation légale, l’archivage étant le moyen d’y satisfaire. Quant à l’adjectif « électronique », il indique que les documents archivés sont électroniques, de même que le système qui les gère, ce qui au XXIe siècle tend à devenir la norme.Sauvegarde / Back-up
Opération technique consistant à dupliquer des données ou des documents, et à les stocker dans un lieu distant, dans le but de prévenir une faille du système ou une disparition accidentelle des originaux. En cas de survenance d’un incident, les données font l’objet d’une restauration.
Commentaire
La sauvegarde peut s’opérer à des fréquences diverses et avec des niveaux de sécurité variés ; les choix sont souvent indexés sur le Plan de continuité d’activité (PCA) qui définit les actions préventives pour assurer la pérennité des activités de l’entreprise après un sinistre. La sauvegarde est une opération liée à l’environnement électronique qui permet la duplication des données à l’identique mais le concept de « copie de sécurité » n’est pas nouveau : on a de tout temps pris la précaution de recopier les documents les plus importants, avant d’utiliser la technique du microfilm (2e moitié du XXe siècle).Gestion des archives / Archives and Recordkeeping
Du fait de la définition très large du mot archives en France (voir l’extrait du Code du patrimoine ci-dessous) et du rattachement des services d’archives publics à l’administration de la Culture, l’expression « gestion des archives » renvoie à la fois à une partie de la notion de « recordkeeping » (c’est-à-dire de conservation des documents archivés dans l’intérêt des services producteurs) et à l’organisation des archives historiques.
Commentaire
La France dispose depuis 1979 d’une définition légale des archives : « Ensemble des documents quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale ou par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité » (Code du patrimoine Titre II, Chapitre II, art. L. 211-1). La suite du texte dispose que « à l’expiration de leur période d’utilisation courante, les archives publiques […] font l’objet d’une sélection pour séparer les documents à conserver des documents dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination » (art. L. 212-2). De fait, la gestion des archives est largement organisée en France selon cette double approche : d’un côté, l’usage, lié à la localisation géographique (dans le bureau, hors du bureau), de l’autre, l’orientation historique (stockage intermédiaire en attendant l’âge ultime de la consécration historique). On a ainsi d’un côté les « archives courantes » mêlées par l’usage aux documents de travail et de l’autre côté, les « archives intermédiaires » que l’on rapproche physiquement des « archives historiques » qu’elles intégreront peut-être. Il s’agit là d’un détournement de la théorie des trois âges des archives à des fins logistiques. En effet, cette théorie anglo-saxonne des années 1950 distingue trois statuts successifs dans le cycle de vie de l’information : les simples documents de travail, puis les « records » qui tracent l’activité de l’entreprise ou de l’institution, enfin les archives qui restent après destruction des « records » dépourvus de valeur réglementaire ou métier. L’approche française ne distingue pas les « documents » des « records », en partie au nom de la valeur historique potentielle des simples documents de travail. Avec l’électronique, cette pratique apparaît de plus en plus antinomique avec la démarche d’archivage qui sélectionne les documents à risque et les met en sécurité dès leur production, jusqu’à échéance de leur durée de conservation réglementaire ou métier, avant un éventuel transfert vers une institution patrimoniale.Archives historiques / Archives
Documents qui constituent les sources originales de la connaissance du passé d’une institution, d’une entreprise, d’une famille ou d’une personne.
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La définition de ce qui est historique et de ce qui ne l’est pas relève de critères objectifs (par exemple, les décisions des instances dirigeantes ou les brevets) et d’autres plus subjectifs (les documents répondant aux tendances de l’historiographie qui évolue avec les générations). Le statut d’archives historiques présente une certaine ambiguïté dans la mesure où certains documents ont une valeur historique dès leur production (procès-verbaux du conseil d’administration) tandis que d’autres ne l’acquièrent qu’avec le recul du temps. On constate que, bien souvent, un fonds d’archives historiques est constitué aux trois quarts de documents retenus à titre définitif après échéance de leur durée de conservation réglementaire ou métier, tandis qu’un quart provient de sources diverses repérées par l’archiviste (phénomène nommé « théorie des 75-25 » par Marie-Anne Chabin).Gestion de contenu / Content management
Ensemble des méthodes et techniques qui permettent de produire, diffuser, gérer, partager et rechercher des informations de toutes formes et de toutes natures dans les systèmes informatiques au travers d’outils collaboratifs.
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L’expression « gestion de contenus » s’est créée par opposition à la gestion des contenants, c’est-à-dire le stockage. Du fait de la dissociation entre contenu et support, de l’intégration du texte, de l’image – animée ou non- et du son dans les mêmes formats d’encodage numérique, du développement des réseaux et de l’interopérabilité, les possibilités de modelage et d’utilisation de l’information dans l’environnement numérique sont démultipliées. La gestion de contenu est un domaine générique qui englobe plus ou moins toutes les autres démarches de gestion de l’information, y compris l’archivage. Plus concrètement, on peut dire que les documents visés par l’archivage relève initialement de la gestion de contenu et que le périmètre documentaire de l’archivage est un sous-ensemble de l’ensemble des contenus. Cependant, il faut souligner la différence fondamentale d’approche : l’archivage donne la priorité à la traçabilité et à la conformité de contenus figés et datés (horodatés) constituant des documents engageants pour leur détenteur, tandis que la gestion de contenu s’attache à l’information elle-même et à sa valorisation plus qu’à la valeur de sa trace. C’est la même opposition que l’on fait habituellement entre GED (Gestion électronique de documents) et archivage, par exemple dans MoReq2 : la GED permet de modifier, de classer, de détruire ou de conserver, mais l’archivage interdit de modifier, impose un classement et des règles de conservation/destruction.Dématérialisation / Electronic data processing, digitalization
Opération visant à ce que les documents gérés aujourd’hui sous forme papier le soit demain sous forme électronique, soit par le biais d’une opération de numérisation, soit par la révision des processus de production et de gestion de l’information.
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La dématérialisation connaît un succès certain qui conduit de nombreuses entreprises à se pencher sur la gestion de l’information voire sur l’archivage. Et pourtant ce mot unique recouvre deux réalités qu’il conviendrait de distinguer davantage. Dématérialisation renvoie d’abord au procédé de transfert des données d’un original papier (support matériel) sur un support numérique (on disait naguère « virtuel »), procédé appelé numérisation (digitalization), le plus souvent par le biais d’un scan. L’objectif de l’opération est de pouvoir accéder plus facilement à l’image des documents, à les diffuser rapidement, à les partager, à créer une copie de sécurité (security copy) en même temps qu’une copie de consultation, (working copy) tandis que le document original est conservé par ailleurs. Cependant, de nombreux projets de numérisation incluent la destruction des documents papier, soit parce qu’ils n’ont eux-mêmes qu’une valeur de copie, soit parce que la traçabilité de l’opération technique de numérisation permet d’attester la fidélité à l’original de la copie numérique, en s’appuyant par exemple sur les recommandations de la norme NF Z42-013. Le second sens de dématérialisation (on parle aussi de dématérialisation des processus) désigne la production numérique native : le document est créé par des outils informatiques, validé, diffusé et conservé électroniquement, sans le recours au papier, si ce n’est une éventuelle impression pour le confort de la lecture. Cette approche de la dématérialisation a été favorisée par la reconnaissance de l’écrit électronique comme preuve en 2000 (Code civil, art. 1316). Il faut insister sur le fait que le terme « dématérialisation » est aujourd’hui doublement ambigu au regard de l’archivage :- si on numérise du papier, il n’est pas neutre de savoir quel est le support retenu pour l’archivage car on ne gère pas de la même façon une copie de consultation et un original ou sa copie de substitution ;
- si on produit un document numérique natif, il est important de repenser le rôle du document (que veut-on tracer par écrit ?) afin de profiter au maximum des possibilités des technologies numériques au lieu de reproduire dans un cadre numérique un mode de formalisation de l’écrit contraint par l’environnement papier et souvent archaïque numériquement parlant.
Archivistique / Archival science
Discipline universitaire traitant des modes de collecte, d’analyse et de description, de tri et de classement, de conservation matérielle et de mise en valeur des archives.
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L’archivistique est née au milieu du XIXe siècle lorsque l’organisation des fonds d’archives historiques et les volumes croissants de dossiers administratifs dans les administrations ont nécessité des méthodes spécifiques d’organisation et de classement. La discipline a pris en compte au cours du XXe siècle les évolutions administratives (réorganisations), techniques (microfilm, photocopies, rangement continu) et culturelles (historiographie, principe de l’échantillonnage, ouverture au grand public) et commence à intégrer les conséquences de la révolution numérique.Diplomatique / Diplomatics
Méthode d’expertise de l’authenticité, de l’intégrité et de la fiabilité des documents, fondée sur une étude de la forme du document tel qu’il se présente, des étapes de son élaboration et de sa validation, de son circuit de diffusion et de conservation.
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La diplomatique est plus ancienne que l’archivistique. Cette méthode de vérification exhaustive de la validité d’un document, a été élaborée par le français Jean Mabillon au XVIIe siècle à partir de l’analyse pointue des caractères internes ou externes d’une série d’actes du Moyen Age, dans le cadre d’un contentieux territorial de grande envergure opposant Jésuites et Bénédictins. La méthode diplomatique, longtemps confinée aux études historiques, s’avère tout à fait pertinente pour évaluer la qualité des documents numériques, ainsi que l’a démontré il y a déjà 20 ans Luciana Duranti de l’université de Colombie britannique à Vancouver (Diplomatics : new uses for an old science, 1989). La « diplomatique numérique » propose un examen systématique des traces de création, modification, versionnage, enregistrement, transmission et sauvegarde des documents dans les systèmes informatiques. Cette analyse correspond tout à fait à l’analyse des fichiers numériques évoqués par l’arrêt de la Cour de Cassation du 4 décembre 2008 (CPAM de la Marne contre Continent) volontiers considéré comme la première jurisprudence en matière d’archivage électronique.